Lorsque la puissante voix de Brittney Slayes s’élève au-dessus des mélodies de Unleash The Archers, elle porte non seulement la force du heavy metal, mais aussi des récits profonds et captivants.
L’arrivée de leur nouvel album, Phantoma, le 10 mai 2024, a secoué la scène metal avec son exploration audacieuse des thèmes de la nature humaine et de l’intelligence artificielle, le tout incrusté dans un futur dystopique, saupoudré de commentaires sociaux.
MetalZone a eu le privilège de s’entretenir avec Brittney Slayes, la chanteuse charismatique de Unleash The Archers, pour plonger dans les profondeurs de cet opus éblouissant et des inspirations qui l’animent.
Le concept de votre nouvel album Phantoma est incroyablement intriguant, mêlant IA, futur dystopique et commentaires sur la société. Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer ces thèmes, et comment pensez-vous qu’ils résonnent avec l’état actuel de notre planète ?
Je suis une grand fan de science-fiction sous toutes ses formes, c’est pourquoi l’inspiration pour cet album est venue de beaucoup d’endroits. La trilogie Revelation Space de l’auteur Alastair Reynolds et les bandes dessinées Tokyo Ghost sont des sources d’inspiration importantes, tout comme les films Bladerunner, Terminator et l’univers de Star Wars. J’ai toujours aimé le personnage de Bishop dans Aliens, et bien sûr David dans Prometheus est tout simplement génial, vraiment l’assistant IA que nous méritons tous [rires]. J’aime aussi le personnage de Data dans Star Trek : TNG, alors il y a un peu de lui ici aussi. Sa lutte intérieure est très similaire à celle que Phantoma traverse lorsqu’elle est rejetée par l’humanité et par sa propre espèce. Lorsque Phantoma est devenue consciente, elle a construit son humanité autour de ce qu’elle a vu de l’humanité sur le “netaverse” (le futur de l’Internet), mais elle n’était pas au courant de l’affinité de l’humanité à n’afficher que le meilleur d’elle-même pour que le monde entier puisse le voir.
Nous avons écrit cet album au plus fort de la pandémie, alors que nous étions tous coupés les uns des autres et que les gens étaient rivés à leur téléphone à la recherche d’un semblant de connexion. L’un des principaux thèmes abordés dans cette histoire est donc la menace que la dépendance aux réseaux sociaux peut faire peser sur notre confiance en nous et notre estime de soi. Phantoma tombe amoureuse de l’humanité parce qu’elle peut l’observer à travers le netaverse, mais lorsqu’elle la rencontre en personne, elle se rend compte qu’elle est insipide et égoïste. Je suis fatiguée de voir mes amis (et nos jeunes) écrasés par les objectifs inatteignables qui sont affichés sur les réseaux sociaux concernant la façon d’être en forme, de réussir, d’être riche, d’être le parent parfait, le meilleur musicien, d’avoir la plus belle maison, etc ; tout cela n’est que de la poudre aux yeux. Je ne révèle pas grand-chose de ma vie personnelle sur les réseaux sociaux, mais je ne vais certainement pas la faire passer pour ce qu’elle n’est pas.
Plus important encore, je ne commenterai jamais négativement le travail créatif d’autrui. L’internet est devenu un lieu de négativité écrasante, les gens sont tellement en colère, et je ne comprends pas pourquoi. Si chacun prenait une profonde respiration et réalisait qu’il est le seul à choisir de poster des commentaires horribles et à prendre des décisions dans sa vie qui le conduisent sur le chemin de la colère, il pourrait alors faire quelque chose pour changer les choses.
L’autre grand thème qui sous-tend l’album est le suivant : la seule personne qui peut faire en sorte que la vie vaille la peine d’être vécue, c’est vous. Dans notre vie quotidienne, nous sommes tous confrontés à des sentiments de désespoir et nous ne savons pas si nous faisons ce que nous sommes censés faire. Personnellement, je préfère me réconforter en me disant que l’univers est bien plus grand que nous et que ce que nous faisons n’a pas vraiment d’importance, alors faites ce qui vous rend heureux. Je ne pense pas qu’il y ait un chemin sur lequel vous êtes censé vous engager, ni un destin ou une destinée à laquelle vous êtes lié. Chaque personne est maître de la direction que prendra sa vie et c’est pourquoi, lorsque Phantoma est au plus bas, c’est en elle-même qu’elle trouve la force de continuer, et nulle part ailleurs. Le fait que notre existence soit totalement aléatoire et qu’il n’y ait pas de but grandiose ou divin est une pensée effrayante, mais j’aime le fait d’être un minuscule grain de poussière dans un univers infini ; je suis la seule à pouvoir choisir mon bonheur et je suis la seule à devoir rendre compte de mes échecs. Sachant cela, je choisis de faire de la musique parce que cela me rend heureuse, et je choisis d’être gentille avec tous ceux que je rencontre sur mon chemin. Chacun doit cesser de blâmer les forces extérieures pour la façon dont sa vie se déroule. Si vous êtes malheureux, faites quelque chose ! Changez de vie ! Quittez votre emploi ! Quoi que ce soit qui ne fonctionne pas, vous êtes le seul à pouvoir y remédier. Phantoma ne blâme pas l’humanité pour ses circonstances comme le fait Quora (antagoniste de l’histoire, chef du COLLECTIF), Phantoma les accepte et s’efforce de les changer. Être en colère et négatif ne vous apporte rien, cela vous plonge dans une obscurité dont vous ne sortirez jamais. CHOISISSEZ d’être gentil, d’être heureux, de faire du bien aux autres, de faire du bien à vous-même. Vous seul avez ce pouvoir, et je pense vraiment que beaucoup de gens ne le réalisent pas.
Phantoma est votre sixième album studio et présente un récit futuriste basé sur l’intelligence artificielle. Comment est née l’idée de ce concept, et quels défis avez-vous rencontrés pour lui donner vie, tant sur le plan de la musique que des paroles ?
Honnêtement, je ne me souviens pas quand l’idée m’est venue pour la première fois. Je sais que je l’ai eue bien avant que nous ne commencions à écrire l’album au début de l’année 2021. Comme je l’ai dit plus haut, l’inspiration est venue de plusieurs endroits, mais surtout de mon amour pour la science-fiction. J’ai toujours aimé l’idée que des androïdes vivent parmi nous, comme c’est le cas dans de nombreuses représentations du futur. Je pense que si l’on demandait à quelqu’un de citer une chose qui rendrait le monde qui l’entoure plus futuriste, ce serait l’existence de robots effectuant des tâches banales dans la vie quotidienne.
Le processus d’écriture des chansons s’est très bien déroulé. Tous les garçons ont participé à l’écriture de riffs et de solos, mais Andrew a été un véritable fou sur ce projet. Il avait des idées à n’en plus finir et nous envoyait des chansons terminées qui ne nécessitaient que peu ou pas de modifications, ce qui n’est généralement pas le cas. J’envoie toujours aux garçons l’aperçu piste par piste de l’histoire pour qu’ils s’en inspirent pour les riffs, puis ils m’envoient leurs démos et je décide lesquelles conviennent à telle ou telle chanson. Une fois que l’ordre des chansons et des riffs est établi, nous passons en revue chaque piste et nous faisons des montages, nous ajoutons des parties manquantes ou nous modifions les riffs qui ne conviennent pas. Une fois que c’est fait, la batterie et la basse sont écrites, puis j’écris mes mélodies vocales.
Les mélodies me sont venues facilement sur cet album, mais comme j’étais debout à toute heure avec un nouveau bébé, j’ai eu du mal à trouver le temps de faire des démos. Nick m’a aidé à trouver des idées de paroles pour le morceau d’ouverture, et il a également trouvé la fin du refrain de The Collective. Le processus d’écriture des paroles a été plus difficile que d’habitude. Normalement, j’écris sur des choses qui n’existent pas et j’ai beaucoup plus de liberté, mais comme il s’agit de la planète Terre (presque) actuelle, de villes, de biomes et de choses qui existent déjà, il était beaucoup plus difficile de tout voiler sous le couvert de la fantaisie. Je n’aime pas être trop littérale avec mes paroles, j’aime que l’auditeur puisse appliquer sa propre vie à l’histoire, et qu’il puisse s’identifier à l’histoire sans avoir à savoir exactement ce qui se passe. Normalement, j’écris de manière beaucoup plus abstraite, mais ce n’était pas vraiment possible sur cet album.
L’album présente un mélange de power metal, de heavy metal traditionnel, de prog moderne et de sensibilités pop. Comment parvenez-vous à équilibrer ces diverses influences tout en conservant un son cohérent tout au long de l’album ?
Lorsque nous écrivons une chanson, nous pensons à toutes les autres en même temps. Nous examinons les intros et les outros, et nous nous demandons si cette chanson s’enchaîne bien avec la suivante. Nous veillons à ce que les chansons ne soient pas répétitives et à ce que chacune d’entre elles ait quelque chose de mémorable. Nous nous inspirons de tous les genres musicaux, mais toujours avec le même style et la même production. Bien que les playlists soient le moyen le plus populaire de consommer de la musique de nos jours, nous écrivons nos albums en gardant à l’esprit l’écoute complète d’un bout à l’autre du disque. Même si ces chansons peuvent sembler étranges en elles-mêmes, lorsqu’on s’assoit et qu’on écoute l’ensemble, elles s’emboîtent toutes et prennent tout leur sens. Nous sommes inspirés par de nombreux genres différents, et pas seulement par le metal. Nous aimons la pop, la musique classique, le jazz, la country et la synthwave. Je pense qu’en combinant tout cela, nous sommes capables de créer un melting-pot de sons qui, d’une certaine manière, devient le nôtre. En fin de compte, nous sommes des métalleux, donc la musique que nous créons finit par être du heavy metal, mais nous aimons la rendre amusante, à la fois pour l’auditeur et pour nous lorsque nous la jouons sur scène.
Le guitariste Andrew Kingsley a été le principal compositeur et producteur de Phantoma. Pourriez-vous nous parler du processus de collaboration au sein du groupe pendant la création de l’album, et de la façon dont chaque membre a contribué à façonner le son ?
Le processus de création est le même depuis notre album Apex de 2017. Nous commençons toujours par l’histoire. L’aperçu piste par piste explique chaque chanson comme s’il s’agissait d’un chapitre de l’histoire, donc j’explique généralement ce qui se passe dans l’histoire pour cette chanson, comment je veux que la chanson soit ressentie tonalement et émotionnellement, comment je veux que l’auditeur se sente quand il l’écoute, comment je veux que la chanson sonne (donc je donne une aide descriptive comme “heavy et rapide” ou “mid-pace et moody”) et ensuite je donne parfois des exemples de chansons ou de riffs de pistes que j’aime comme source d’inspiration pour ce que je pensais pour le son. Ensuite, j’envoie le tout aux garçons, et ils reviennent vers moi avec des riffs. Parfois, ils me disent “hé, je pensais que ce riff serait bien pour telle ou telle chanson” et parfois je dis “oui, c’est parfait”, ou je dis “non, je pense que ce serait mieux dans une autre chanson”, ou très rarement, je décide que le riff n’a rien à faire sur l’album du tout.
Andrew a un style très particulier qui imprègne l’ensemble de l’album. Même si certains des principaux riffs ont été écrits par Grant et Nick, Andrew les a pris, y a ajouté des synthés et des leads de guitare et a peint tout l’album avec le pinceau d’Andrew Kingsley. Andrew est également très doué pour suivre les grandes lignes de l’histoire que je lui fournis au début du processus. Il sait exactement comment retranscrire sur le plan sonore ce que j’écris, et il veille à ce que tout soit propre et cohérent.
Phantoma est décrit comme plus sombre et plus lourd que votre précédent album, Abyss. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de ton, et comment pensez-vous que les fans vont réagir à l’évolution de votre son ?
J’ai écrit cette histoire au début de l’année 2021 ; la pandémie battait son plein, nos tournées venaient d’être repoussées une fois de plus et je me sentais extrêmement désespérée. Le monde était en feu. L’humanité était en train de montrer comment elle se comporte vraiment en période de crise, et j’avais l’impression que nous étions sur le point d’entrer dans la troisième guerre mondiale. C’est l’état dans lequel je me trouvais lorsque nous avons commencé à écrire, et l’album en est le reflet. Je pense que nos fans seront divisés, comme ils le sont toujours. Nous avons des fans qui aiment que nous changions un peu à chaque album, et nous avons des fans qui ont leurs albums préférés d’UTA, et vous ne pourrez jamais les convaincre du contraire [rires]. Mais nous n’écrivons pas des albums pour impressionner tout le monde, nous écrivons des albums parce que nous aimons écrire de la musique, et nous aimons jouer de la nouvelle musique en live !
Y a-t-il des artistes ou des albums particuliers qui dominent actuellement votre playlist ?
J’attends patiemment le nouvel album de Dark Tranquillity, donc leurs nouveaux singles sont en rotation constante. Je suis également une grande fan de Dua Lipa, donc je vais écouter son nouvel album très, très souvent.
J’ai récemment vu Elvenking en concert pour la première fois, et ils m’ont vraiment impressionnée, alors j’ai écouté leur dernier album en boucle. J’aime aussi beaucoup Charley Crockett, et son nouvel album est parfait pour les trajets matinaux !
Qu’est-ce qui vous attire vers ces choix musicaux particuliers ?
La première chose que j’écoute, ce sont les voix, ce qui n’est pas surprenant [rires]. Je recherche toujours une voix forte, riche et sûre d’elle. S’il y a des tensions, du souffle, un mauvais phrasé, des choix de paroles étranges, cela m’irrite, donc tout est dans la voix !
Enfin, avez-vous un dernier mot à adresser à vos fans francophones qui attendent avec impatience votre musique et vos spectacles ?
Merci d’écouter notre musique ! Peu importe que vous écoutiez sur des plateformes numériques, des CD, des vinyles (ou des cassettes !), nous vous apprécions et nous ne serions pas là sans votre soutien. Vous déchirez et nous espérons vous voir bientôt lors de nos prochaines tournées ou peut-être à l’un de nos festivals cet été !