Si vous ne connaissez pas Eivør, vous ratez quelque chose. Si en revanche vous avez déjà écouté, et donc succombé à l’univers unique de cette artiste féroïenne, vous savez ô combien son style musical est difficilement classable. Dans le cas où vous êtes amateur de musique pagan, voire de Folk Metal, vous aurez sûrement entendu certaines de ses nombreuses contributions notamment sur la bande son de la série The Last Kingdom en 2015 ou pour le jeu vidéo God Of War, qui ont étendu son rayonnement initialement nord européen à une échelle mondiale.
Texte et photos par Tetralens (tetralens.com)
Si vous avez des penchants plutôt jazz, certains titres comme Broken de l’album Slør ne vous auront pas échappé, tandis que des morceaux comme Í Tokuni sont de parfaits exemples du savant mélange de styles opéré par Eivør.
Depuis l’adolescence, Eivør explore la musique à travers les nombreuses langues qu’elle parle, mais le plus souvent en islandais, en caressant le jazz, le classique, une sorte de pop feutrée, la musique électro, et en axe névralgique les influences thématiques et mélodiques de la folk nordique traditionnelle.
Après une production discographique de déjà 9 albums studio, plus une longue liste de collaborations, Eivør sort en 2020 Segl, son dernier bébé en date, truffé de trésors, pour certains franchement électro pop (Nothing To Fear), ou de titres à consonances plus teintés d’un sombre jazz (This City), ou de folk contemporaine, comme le duo avec Einar Selvik de Wardruna (Stirdur Saknur).
Sa tournée actuelle en Europe est dédiée à cet album chanté en islandais, anglais et suédois, production emblématique de sa capacité à se renouveler sans jamais se renier, en mixant les genres et les influences, avec toujours une maîtrise vocale et une originalité qui pourrait la classer aux cotés de Tori Amos ou Kate Bush, arrangements et touche électro en prime.
C’est au Trabendo qu’Eivør nous reçoit à Paris, pour ce concert à guichets fermés.
La foule est un joli patchwork de tous les âges et sensibilités musicales imaginables. Du hipster fan de musique électro, à l’amateur précis de jazz, en passant par le métalleux ascendant folk pagan, tous sont absorbés à l’unisson par la performance de bout en bout.
En première partie, nous découvrons la jeune artiste Red Moon, une soliste norvégienne toute en délicatesse qui emplie la salle de ses mélodies diaphanes tirées de son premier EP, Phase I:XI, avec des titres comme Dogma ou Dreamer. Sur ce dernier, single le plus récent de la chanteuse au roux flamboyant, elle nous transporte dans un univers cinématique et poétique comme une ode onirique a la vie. Elle interroge la condition humaine sur la capacité à garder espoir et le privilège de savoir rêver, dans un monde qui favorise les sombres pensées.
La performance ne laisse pas de place à l’ennui et c’est sur cette introduction enchanteresse, suite à une très courte pause technique, qu’Eivør et ses talentueux musiciens font leur entrée. Ils vont, pour ce concert, parcourir le répertoire de l’artiste à travers de nombreux morceaux issus de Segl, mais aussi de classiques antérieurs. On retiendra notamment les morceaux suivants :
- Mánasegl ; morceau à l’atmosphère un peu angoissante contrebalancé par un arrangement aérien
- This City ; dont la rythmique et les sonorités donnent parfaitement corps a la frénésie urbaine
- Truth ; qu’elle dédie aux fans et à la gratitude d’avoir pu, à travers eux entre autres, garder la connexion avec le monde extérieur pendant cette difficile année d’isolement
Du reste, Hands est une chanson principalement piano/voix sur l’amour, ainsi que la force et la sécurité que l’étreinte peut offrir.
La performance d’Í Tokuni, dans sa version originale, nous enveloppe de sonorités qui accompagnent avec précision les thèmes évoqués dans les paroles : la brume, le doute et les errances, le sentiment de solitude.
L’interprétation live de True Love (extrait de l’album Room de 2012), titre résolument pop en studio, met ici en lumière une fois encore une maîtrise vocale incroyable.
Stirdur Saknur s’apparente d’avantage à la musique pagan, et nous emporte dans un voyage mélancolique et profond dont l’orchestration contemporaine rehausse élégamment l’esprit de fond.
Gullspunnin procure une impression générale d’équilibre entre la délicatesse d’une comptine et la force d’un cri de détresse, où la voix claire contraste avec les percussions graves.
Le titre emblématique et probablement le plus écouté d’Eivør est interprété avec une grande sobriété, bodhrán et voix. Trøllabundin est une ode à la magie du printemps, une merveille de musique folklorique traditionnelle, magnifiée par une voix au timbre unique qui navigue avec une aisance troublante entre différentes techniques vocales parfaitement maîtrisées, dont une voix de tête cristalline, comme sortie de la glace, ainsi que des passages gutturaux, et un « throat singing » alliant inspiration et expiration, apportant une dimension chamanique à l’ensemble.
Si le talent d’Eivør en tant qu’auteur et interprète ne fait aucun doute, on est transporté par la puissance et l’impressionnante présence scénique de l’artiste, qui sublime la qualité et la cohérence de son style inimitable et composite, assez bien représenté sur Segl.
À propos de Tetralens
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TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.