Avec Even In Arcadia, Sleep Token livre un album aussi ambitieux qu’introspectif, prêt à séduire un public toujours plus large tout en risquant de diviser ses fans de la première heure.
Une montée en intensité dès l’ouverture
Dès les premières minutes de Look To Windward, Sleep Token annonce la couleur : ce quatrième album n’a rien de convenu. Avec ses 7 minutes 46 d’envolées orchestrales, de riffs abyssaux et de motifs presque chiptune, le morceau impose un climat solennel et dense. Cette entrée en matière, riche en références littéraires et spirituelles, donne le ton d’un disque qui oscille entre grandeur et malaise.
Emergence, premier single dévoilé, confirme cette direction hybride : voix vocodée, groove trap et solo de saxophone envoûtant signé Gabi (Bilmuri), le tout fusionné dans un crescendo à la fois électronique et émotionnel. Vient ensuite Past Self, plus dépouillé, mais aussi plus fragile – une incursion dans une pop synthétique au bord de la rupture.
Un virage vers le grand public
Avec Dangerous, le groupe s’aventure encore plus loin dans l’expérimentation pop. Ce morceau suave et dansant, digne d’un slow R&B contemporain, évoque même un Careless Whisper revisité pour l’ère TikTok. Un parti pris audacieux qui se poursuit avec Caramel, morceau charnière de l’album, déjà salué dans les charts britanniques et américains. Sur un rythme reggaeton, Vessel livre une confession crue : “I guess that’s what I get for trying to hide in the limelight” (“C’est ce qui arrive quand on essaie de se cacher sous les projecteurs”). Moins mystique que par le passé, Sleep Token se montre ici vulnérable, presque désarmé.
Even In Arcadia, la chanson-titre, illustre bien cette volonté de sublimer la tension. Construite autour d’un piano cinématographique et de cordes dramatiques, elle monte en puissance… sans jamais exploser. Comme une promesse suspendue, un paradis imparfait.
Un final grandiose mais déroutant
La dernière partie de l’album marque un retour à des ambitions plus metal. Provider joue la carte du pastiche R&B assumé, tandis que Gethsemane propose des sonorités funk étranges mais étonnamment efficaces. Enfin, Infinite Baths clôt le tout dans un mélange épique : nappes gospel, claviers éthérés, et un final d’une brutalité inédite pour le groupe. Un hommage implicite à Pink Floyd se dessine, comme une version moderne de Shine On You Crazy Diamond, où la gloire devient une malédiction.
Un album aussi sincère que clivant
Even In Arcadia n’est pas un disque de tubes instantanés, ni une simple suite de Take Me Back To Eden. C’est un album dense, imparfait, mais profondément honnête. Sleep Token y expose ses failles, ses doutes, et ses élans créatifs les plus bruts. Cette œuvre pourrait désarçonner les fans attachés à la première trilogie, mais elle ouvre grand la porte à une reconnaissance encore plus large.
Prévu pour sortir le 9 mai chez RCA Records, Even In Arcadia marque une nouvelle étape dans l’ascension fulgurante du groupe britannique – et montre qu’ignorer Sleep Token est devenu tout simplement impossible.