Les abords du parc de Bercy et de l’Accor Arena sont submergés par un panel très diversifié de métalleux de tous genres et de tous âges, prêts à partager ensemble l’exception stylistique qui rassemble, Tool.
Après une si longue attente pour revoir les Californiens sur une scène parisienne, l’excitation était palpable, d’autant plus que, le 12 mai 2022, il s’agissait du plus grand événement donné en France par le groupe !
La sortie de Fear Inoculum en 2019 a été suivie d’une tournée européenne pour le quatuor, sans la France, et principalement dans des festivals. Il s’agissait donc bien ce jeudi d’une date historique.
Texte et photos par Tetralens (tetralens.com)
Brass Against
La première partie a été assurée par Brass Against, le collectif de musiciens américains où comme son nom l’indique la section cuivre est très majoritaire, qui se spécialise dans les reprises de titres phares du Metal, et mené par la chanteuse Sophia Urista.
Outre le dérapage de novembre 2021 lors d’un festival en Floride (pour lequel le groupe s’est excusé par la suite), qui a fait largement parler de Brass Against, il est néanmoins à noter qu’il s’agit d’une formation musicalement solide.
Bien que se déroulant devant des gradins clairsemés, le collectif a offert une performance agréable, dynamique et de qualité, avec le brio de la chanteuse charismatique et un son très propre du côté des trombones et autres instruments. Un show agréable, bien réalisé, avec des reprises telles que Cochise d’Audioslave, Kashmire de Led Zeppelin, plusieurs titres de Rage Against The Machine et de Tool, dont Stinkfist au moment où je quitte la fosse.
Tool
L’institution, l’exception. La formation musicale qui représente presque un genre à elle seule.
La signature musicale de Tool, c’est cette décomposition, cette fractale qui entre par boucles rythmiques au cœur de la musique, y compris celle qui résonne en nous même, comme un voyage initiatique à travers le corps humain, sa psyché, pour en sortir grandi. L’univers de Tool, bien qu’estampillé Metal Progressif, ou alternatif à ascendance psychédélique, possède cette empreinte unique, cette dimension spirituelle que peu de groupes ont créée ou fait évoluer.
Après 13 ans d’attente depuis l’arrivée de 10,000 Days, la sortie du dernier album en 2019 a réveillé l’armée de fans qui avaient fini par hiberner leur soif de Tool au fil des années. Fear Inoculum est arrivé, apportant la même profondeur mélodique, le même génie d’écriture rythmique et une précision redoublée, mais avec un certain souffle de renouveau. Comme Keenan l’a mentionné au moment de la sortie de l’album, qui a failli s’appeler “7” (étant donné la récurrence de ce chiffre dans l’écriture), il incarne la maturité et la sagesse, et d’une certaine manière l’équilibre atteint par l’acceptation de soi.
L’excitation est palpable au cœur de la salle parisienne, et la configuration 100% assise permet tout de même de percevoir cette vibration qui parcourt le public, avant même le début de la performance.
L’entrée en scène de Justin Chancellor et Adam Jones se fait dans l’obscurité, d’où résonnent les premières notes de la chanson Fear Inoculum au milieu des clameurs d’excitation du public. La lumière se fait progressivement sur les musiciens, principalement le maître de la batterie trônant dans un halo étincelant au centre de la scène, Danny Carey, puis enfin, se détachant au loin sur des mouvements visuels colorés, la silhouette de Maynard James Keenan.
Le tout est filtré par un rideau de fils au premier plan, du bord de la scène au plafond, permettant de voir les artistes à travers ce voile qui ajoute au mystère sur ce début de set. Cette entrée en matière sur ce titre de près de 11 minutes, à la progression très construite, avec des passages particulièrement marquants de Chancellor à la basse, nous plonge dans l’univers incontestablement unique de Tool.
Le concert se poursuit sur Opiate issu du tout premier EP de 1992, que le groupe a réédité très récemment sous la forme d’Opiate², puis un panel de titres phares du groupe comme The Pot (de 10,000 Days) à l’occasion duquel les disciples de Tool se laissent porter par une transe corporelle tous les trois ou quatre rangs de sièges.
L’expérience live est presque initiatique, nous plongeant dans les limbes de l’introspection, à travers la perception de multiples sens, l’ouïe bien sûr, mais aussi via les messages hypnotiques délivrés par l’écran géant ou la résonance vibratoire qui se propage en nous, et qui est vécue par le corps tout entier.
Après une ouverture de rideau spectaculaire accompagnée de jeux de lumière enivrants au milieu du concert, sur Pneuma, pièce emblématique du dernier opus, les musiciens poursuivent leur cheminement musical avec brio et un engagement particulièrement marqué de Chancellor et d’un Keenan habité. La performance semble se terminer sur Hooker with a Penis (extrait d’Ænima), avec un départ de scène très orchestré, où le chanteur quitte les lieux dans l’ombre par un escalier dérobé en fond de scène (près de l’endroit où il officiait jusqu’alors), un jeu de variations sur la basse laissée au sol, puis une poussée magistrale de la guitare saturée qu’Adam Jones laisse hurler, posée contre les enceintes, avant de disparaître à son tour !
Retour de dix minutes d’entracte avec un impressionnant solo du maître Danny Carey, accompagné d’une retransmission visuelle démultipliée du jeu du batteur, grâce à la caméra située au-dessus de son kit.
L’ensemble des musiciens se retrouvent pour une interprétation acoustique assise, plus intimiste, en bord de scène sur Chocolate Chip Trip au cours de laquelle l’étoile monumentale et lumineuse qui surplombe les lieux descend progressivement plus près du quatuor.
La performance de Culling Voices met parfaitement en valeur la voix de Maynard sur la mélodie aux débuts aériens, superposée par la guitare d’Adam qui progresse vers un son plus lourd à la fin du morceau, avec une intensité vibratoire qui met comme en suspension les cellules du corps, jusqu’alors en dormance.
Tout en regrettant à moitié que la setlist ne comprenne pas Sober ou Schism, nous assistons à un petit discours de Maynard. Le frontman remercie le public parisien et qualifie la soirée de magnifique (on confirme !), et enchaîne avec quelques mots pour annoncer la venue de Puscifer l’été prochain dans la capitale, tout en laissant entendre que le prochain chapitre de Tool ne sera pas aussi long à attendre que pour Fear Inoculum (on espère bien !).
L’usage du téléphone, jusqu’alors interdit sous peine d’être expulsé de l’Accor Arena par la sécurité, est concédé par le groupe sur ce dernier morceau, mais “sans lumière, sans flash” pour ne pas dénaturer la performance.
La clôture se fait en apothéose sur Invincible qui illustre à la perfection l’identité de Tool, marqué par la complexité de sa rythmique, la profondeur de son écriture, que l’on vit comme un voyage musical au cœur de notre être, de notre for intérieur, l’atteinte d’une fréquence qui prend aux tripes et réveille une autre partie de soi, pour se libérer de ses peurs, et se réinventer, comme une mue… Confirmation que Tool n’est pas seulement un groupe, c’est un concept, une obédience.
Setlist :
- Fear Inoculum
- Opiate
- The Pot
- Pushit
- Pneuma
- The Grudge
- Right in Two
- 7empest
- Hooker with a Penis
- Entracte + Solo de batterie
- Chocolate Chip Trip
- Culling Voices
- Invincible
À propos de Tetralens
Cet article a été rédigé par Tetralens, qui est également la propriétaire de toutes les photos que vous avez vues ci-dessus.
Tetralens est une photographe basée à Paris. Si vous souhaitez discuter avec elle de son travail et/ou collaborer avec elle, vous trouverez toutes ses informations ci-dessous !
TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.