Événement majeur à Paris, Bad Omens joue à la Machine du Moulin Rouge accompagné des trublions de la “good vibe” Oxymorrons et du collectif “fresh” Ghostkid venu d’Allemagne.
La soirée commence pour moi par un moment privilégié, puisque Bad Omens a accordé à MetalZone l’une des rares interviews de cette soirée.
Après cet échange sans langue de bois avec Jolly, je rejoins la Machine (du Moulin Rouge) qui se remplit lentement d’un public très éclectique, des amateurs de Metal à l’esprit ouvert, des fans de Rock nouvelle génération, des jeunes aux sacs à dos licornes et aux cheveux bleus, et des “normies” qui sont prêts à basculer dans le monde de la musique plus lourde.
Dans une ambiance plutôt calme à l’approche de la première représentation, je remarque tout de même ce à quoi il fallait s’attendre : ici et là se distinguent des groupuscules de jeunes gens aux caquètements équivoques… Nous avons parmi nous ce soir des fans de Noah Sebastian dont seuls les Beatles semblent avoir connu l’équivalent.
Texte de Tetralens / Photos de Bryan Kirks, Tetralens (tetralens.com) & Shutterstock
Oxymorrons
Je n’ai aucune idée de ce que je vais découvrir avec les Oxymorrons, et parfois cela fait du bien !
Ici, c’est un quatuor qui entre en scène, le sourire aux lèvres, un batteur à nattes (Matty Mayz), un guitariste/bassiste au look improbable composé d’un top en voile transparent et d’un béret rouge (Jafe Paulino) – voulait-il transmettre un message d’amour à Paris via ce look ? – et deux chanteurs pleins d’énergie.
Très vite, les Oxymorrons du Queens (formés vers 2016) annoncent leur joie d’être ici, à Paris, pour cette première tournée en Europe, et remercient les membres de Bad Omens pour cela ; avant d’ajouter : “Si vous ne nous connaissez pas encore… ça va venir !”.
En un rien de temps, les frères Bellevue (Dave “Dee” et Ashmi “KI”) chauffent la salle avec leur fusion, hip-hop alternatif punko-metal. Car oui, les paroles sont vives, le rythme est plutôt “street”, mais le son est bel et bien lourd et puissant. Leur sens de la scène, la bonne humeur transmise se diffuse notamment sur Think Big et Enemy (dernier titre de 2023).
Le public répond très positivement aux demandes répétées des musiciens et à leur pêche contagieuse, notamment sur le titre Definition de leur EP de 2021 (Mohawks & Durags), qui est “heavy as fuck” comme ils nous le disent (la version de l’album comporte Jason Aalon de Fever 333).
Un set de seulement 30 minutes, mais très bien rempli et qui embarque le public, avec une belle conclusion sur Justice, titre de 2020 à la guitare très rock et au refrain super accrocheur.
Quelques mots et une accolade échangés avec eux plus tard dans la soirée confirment la sincérité de leur démarche. Comme ils le disent eux-mêmes, on leur a souvent dit : “Vous êtes trop rock pour le hip-hop, et trop hip-hop pour le rock…”. Ils en ont fait leur force et nous, on adore ça !
Setlist :
- Intro
- Green Vision
- Think Big
- Enemy
- Definition
- Justice
Ghostkid
Avant même que les Allemands n’entrent en scène, une grande ambiance s’installe dans la foule. Et c’est tant mieux ! Il n’y a pas que Bad Omens pendant la soirée.
Le collectif construit par et autour du charismatique Sebastian “Sushi” Biesler, après qu’il a quitté son Igloo – entendez par là quand il a quitté Eskimo Callboy (rebaptisé depuis Electric Callboy) – fait des émules depuis la sortie de l’album Ghostkid en 2020. Je me souviens avoir pris une claque sur Start A Fight à la première écoute.
Biesler apparaît avec des couettes (ce soir, décidément…) et le bas du visage peint en noir, Stanislaw “Stanni” Czywill affiche ses tatouages, son talent et sa basse, les deux guitaristes beaucoup plus sages, ont un look à la limite du “tech developer”, et Joakim Stephan “Steve” Moeller, une véritable brute à la batterie, arrive tranquillement et envoie du lourd dès le premier morceau, Fool, un concentré de Post-Hardcore saturé aux contours de trap metal – et ça en jette.
L’intensité monte encore d’un cran avec l’arrivée des premières notes de Start A Fight évoqué plus haut. Le frontman sollicite l’engagement du public sur ce titre phare, qui ne se fait pas prier : “Paris, je sais que tu peux le faire ! Ouvre cette fosse !”.
La soirée se poursuit avec Crown où Stanni, le bassiste, disparaît de la scène… pour réapparaître au milieu de la fosse parmi la foule. Un grand moment de partage et de spectacle.
La performance se poursuit avec une intensité croissante et un niveau technique toujours constant. Biesler annonce Ugly en évoquant la très belle soirée de la veille à Strasbourg. C’est à ce titre que le bassiste, qui semble aimer se promener, apparaît sur le balcon qui surplombe le lieu. Et il joue là, au milieu du public, éclairé par un spot isolé.
À la fin de This Is Not Hollywood, Ghostkid nous annonce déjà sa dernière chanson de la soirée, Supernova, dont la version album voit la participation de Marcus Bischoff (Heaven Shall Burn).
Une très bonne performance du début à la fin, dans un bel exemple de metal transversal aux résultats probants.
Setlist :
- FØØL
- START A FIGHT
- CRØWN
- HOLLYWOOD SUICIDE
- YØU & I
- DRTY
- UGLY
- THIS IS NØT HØLLYWØØD
- SUPERNØVA
Bad Omens
Habituellement, lors des changements de plateau, les allées et venues vont bon train. Mais ici, pas de queue interminable au merchandising, l’assemblée est regroupée de manière compacte près de la scène, dans une impatience palpable avant l’arrivée de Bad Omens sur scène.
Les lumières se tamisent, des formes apparaissent dans la pénombre et les premières notes de Concrete Jungle sortent des enceintes tandis que Noah Sebastian, cagoulé et vêtu d’un trench coat noir, entre en scène : Bad Omens est là dans son intégralité, et le public est en délire.
L’empreinte unique qui rend le groupe de Richmond (Virginie) si spécial se déploie à travers ce titre bien choisi pour lancer la performance. Une combinaison de rock alternatif, de ballades sombres qui traitent souvent de détresse psychologique, de relations toxiques, rehaussées par un Metalcore/screamo plein de rage. Le tout est enveloppé dans des arrangements élaborés et porté par la voix particulière de Noah, capable d’une grande douceur comme d’une force brute redoutable.
Dans une excellente restitution des qualités vocales de Noah et de l’équilibre tranchant des guitares de Joakim “Jolly” Karlsson et Nicholas Ruffilo, ainsi que de la batterie de Nick Folio, le set se poursuit avec Nowhere To Go et Glass Houses. À ce moment-là, Noah fait tomber la capuche et le trench-coat et marche sur le bord de la scène, les épaules légèrement voûtées, le corps frêle, mais avec une confiance incroyable, et il incite le public à former un wall of death.
Le titre suivant, iconique et troublant, est identifié immédiatement par une grande partie du public. Un simple regard autour de soi et la multitude de reflets un peu trop brillants dans les yeux environnants montre à quel point The Grey fait écho, dans sa mélancolie et sa rage contenue, à une histoire universelle, celle de la chute dans l’oubli, loin du regard de l’autre.
Ce passage aussi spleenien soit-il laisse place à quelques mots pour saluer la présence et les performances des groupes précédents, et pour remercier le public d’être là. Après Never Know et Mercy, Bad Omens nous sert un Who Are You? en milieu de set, moment de calme relatif que Jolly avait évoqué lors de l’interview. Voix et batterie, minimalisme délicat. Puis la basse et la guitare réapparaissent à la fin.
I Don’t Want The Money est assez surprenant avec ses sonorités presque R’n’B. Mais c’est là le grand génie de Bad Omens, un savant mélange, une exécution des parties de chacun avec précision et brio, et le résultat est appréciable.
Vient ensuite What It Cost, qui laisse place à Like A Villain, autre pépite au texte doux-amer dans une lumière tamisée bleue et rose. Le public, dans un regain d’énergie, répète en chœur et chante à tue-tête.
Noah annonce qu’il s’agit du dernier morceau, Just Pretend. Une fois de plus, dans la foule, les yeux embués et les joues dégoulinantes, un pourcentage non négligeable de personnes se laisse séduire par ce morceau très évocateur. Une tornade d’émotions, un véritable moment de fusion entre Bad Omens et son public.
Sous un tonnerre d’applaudissements, le rappel prend vie, et le groupe refait surface pour enchaîner avec The Death Of Piece Of Mind. Sur cette rythmique lente, survolée par une voix suave, qui distille désabusement et sensualité à la fois, le groupe envoûte l’assistance.
Changement d’ambiance avec le titre très heavy de 2019, Dethrone (issu de l’album Finding Gog Before God Finds Me), on voit apparaître sur scène les gars d’Oxymorrons, et on assiste à une bataille de pompes des différents musiciens.
Choix surprenant, c’est sur What Do You Want From Me? – dont la signature électro, presque industrielle, transforme quasiment la Machine du Moulin Rouge en dancefloor – que le concert s’achève.
Une très belle soirée, à la hauteur de la réputation de Bad Omens et de mes attentes ; une diversité d’expressions stylistiques, une très bonne surprise avec Oxymorrons et une confirmation qu’il faut miser sur Ghostkid.
Bad Omens a confirmé ce soir sa place grandissante dans le metal nouvelle génération, avec une superbe maîtrise du live.
Setlist :
- Concrete Jungle
- Artificial Suicide
- Nowhere to Go
- Glass Houses
- The Grey
- Never Know
- Mercy
- Who are you?
- Limits
- IDWT$
- What It Cost
- Like a Villain
- Just Pretend
Encore :
- THE DEATH OF PEACE OF MIND
- Dethrone
- What do you want from me?
À propos de Tetralens
Cet article a été réalisé par Tetralens, une photographe basée à Paris. Si vous souhaitez discuter avec elle de son travail et/ou collaborer avec elle, vous trouverez toutes ses informations ci-dessous !
TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.
PS : Certaines des photos que vous avez vues ci-dessus ont été fournies par Bryan Kirks.