Maintes fois reporté, ce concert a finalement eu lieu. Avec Stray From The Path et Motionless In White pour une soirée survoltée.
Comme d’habitude, les quais du Cabaret Sauvage étaient occupés par une longue file d’attente. Bien que le dénominateur commun de la soirée puisse être défini comme le Metal, nous avons eu ce soir (là) plusieurs expressions de la musique à gros son, à travers les styles relativement diversifiés des trois groupes à l’affiche.
Texte et photos par Tetralens (tetralens.com)
Stray From The Path
Le premier à monter sur scène, et non des moindres, est Stray From The Path. Contrairement à d’autres événements, le public est déjà présent dès le début de la soirée. Et c’est agréable de voir une salle pleine pour le premier groupe.
Il faut dire que la programmation ressemblait plus à un conglomérat de talents équivalents (co-headliners) qu’à un groupe star avec des valeurs montantes. Il était donc tout à fait logique de compter sur un grand nombre de fans impatients et déterminés à mosher et à se bagarrer sur le punk hardcore et le savoir-faire des Américains de la côte Est.
Ce groupe particulièrement dynamique entre en scène et met le Cabaret Sauvage sens dessus dessous dès le premier titre, Needful Things (Euthanasia, dernier opus de 2022).
Andrew Dijorio alias “Drew York” – salopette et cheveux courts peroxydés – et ses compagnons de jeu sont à la hauteur des attentes du public.
Une ambiance débridée, des sauts, un frontman très impliqué qui sollicite le public à tout va, marquent cette première performance. Je retrouve avec plaisir cette empreinte vocale que l’on constate sur le featuring de York avec Landmvrks, Death, ou avec Siamese, Home.
Séance collective de renforcement des cervicales. Le style musical de Stray From The Path se distingue notamment par un chant crié, scandé avec rage, minutieusement haché (avec une diction qui sur certains titres me rappelle celle de JP Lagacé – Get The Shot) qui en fait un élément rythmique à part entière. La ligne de guitare rythmique, dont les notes savamment distillées et maîtrisées apportent des éléments qui font écho à un sentiment de malaise, est contrebalancée par une émotion brutale mais plutôt saine. Une sorte de vecteur d’exorcisme de nos démons, de nos peurs, de nos colères. Un des traits identitaires des musiques extrêmes qui trouve particulièrement preneur…
Avec une setlist très énergique, la première partie de la soirée passe à une vitesse folle, presque un peu trop. Du moins pour moi et quelques amis qui, comme beaucoup, ont honoré la performance de furieux headbang et bain de foule, notamment sur Guillotine, avant le dernier morceau de la soirée qui fait l’unanimité.
Setlist :
- Needful Things
- May You Live Forever
- Goodnight Alt Right
- Fortune Teller
- III
- Guillotine
- First World Problem Child
Motionless In White
Lors du changement de scène, je me dirige difficilement vers le bar où les serveurs du Cabaret Sauvage sont toujours aussi souriants, et profite de cet intermède pour aller jeter un coup d’œil au merchandising. Les nouvelles des groupes en tournée en ce moment, comme Monuments et Igorrr occupent les conversations. L’augmentation des taxes appliquées par la plupart des salles en Europe sur les ventes de merchandising a poussé plusieurs groupes à ne rien vendre lors de certains événements. J’apprends que ce soir, les groupes présents ont payé un forfait global. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les musiciens, ainsi que pour les fans qui se font une joie de dévaliser les t-shirts et les patchs de leurs groupes préférés.
Pas question de lambiner, je dois prendre place près du plateau car Motionless in White va commencer sa performance et je vais devoir faire face à un public particulièrement surexcité devant la scène d’où je vais devoir officier, la sécurité ayant estimé que la fosse ne serait pas accessible aux photographes.
La fanbase de Motionless in White, MIW pour les habitués, se caractérise par une majorité de moins de 30 ans, largement épris – ou équivalent – des membres du groupe, et pour un bon nombre habillés comme les protagonistes. Je ne vous cache pas que je suis très dubitative lorsque je vois ce type de public aux gloussements équivoques, qui diffuse en moi la crainte d’assister au concert d’un énième groupe de “Rock/metal pour minettes”…
C’est sur le titre Thoughts and Prayers (Disguise, 2019) que Chris “Motionless” Cerulli et ses acolytes ont choisi de débuter leur set. Un titre plutôt hargneux dans leur discographie globalement teintée d’un Metalcore nouvelle génération – c’est à dire composite, tantôt un peu industriel, tantôt glissant vers le Pop Rock. Ricky “Horror” Olson est très calme et concentré à la guitare rythmique tandis que Justin Morrow, bassiste, est très présent et cherche le public du regard.
Sur Break The Cycle, titre de 2014 que je ne connaissais pas, les musiciens rejoignent Chris sur les passages en voix claire. Le titre est relativement énergique, et comporte quelques passages en voix plus pop alternées avec des screams.
Sur le troisième titre, Masterpiece, les fans sont emballés dès les premières notes de cette ballade caractérisée par des lignes vocales presque entièrement en chant clair, où – j’avoue – la voix de Chris est sublime, avec un trémolo qui ne semble pas surjoué et qui sert très bien le thème du regret de ce titre poignant. On note également une belle superposition de la batterie de Vinny Mauro et de la guitare rythmique de Ricky “Horror” Olson.
Le morceau suivant, le saccadé et imparable Slaughterhouse, qui figure également sur le dernier album Scoring The End of The World, sorti en juin 2022 chez Roadrunner Records, contient de nombreux ingrédients qui contrastent avec le précédent. Il y a des effets grinçants au sein des riffs de Ryan Sitkowski, de la double pédale, des “blegh”… Bref, ça déménage et le public y répond par des mouvements de cheveux frénétiques. Sur Werewolf, également issu du dernier album, on entend à nouveau les variations vocales dont est capable le frontman dégingandé. Le rythme est beaucoup plus lent, presque “pop rock des années 80”, avec quelques arrangements quasi-synthwave, et j’ai l’étrange impression d’entendre une influence d’Ice Nine Kills en filigrane. Mais cela fonctionne.
Faisant toujours honneur au dernier opus de 2022, Cyberhex est une sorte de morceau hybride où les arrangements symphoniques font incursion dans un univers électro-indus où au niveau vocal on s’approche par bribes d’un Jonathan Davis (Korn). Mais là aussi, c’est propre. La suite est une nouvelle ballade déchirante qui met la foule en émoi. Anoter Life est probablement le titre le plus emblématique et le plus écouté de Motionless in White dans leur discographie.
La soirée se poursuit avec une reprise très réussie de Somebody Told Me (The Killers) qui donne lieu à des danses généralisées partout dans la salle.
Fin du set sur Eternally Yours (2017) qui met plutôt bien en valeur la voix de Chris mais aussi quelques beaux passages de mise en avant de la basse.
Même si je n’ai pas été totalement absorbée par la performance, je dois reconnaître que c’était une belle prestation, avec un choix diversifié dans la setlist, et un set maîtrisé. Un peu trop peut-être… Néanmoins, cela m’a donné envie de réécouter certains classiques de MIW et d’en découvrir d’autres. J’aurais aimé voir Voices et Headache ce soir.
Setlist :
- Thoughts & Prayers
- Break the Cycle
- Masterpiece
- Slaughterhouse
- Werewolf
- Cyberhex
- Another Life
- Soft
- Somebody Told Me (The Killers cover)
- Eternally Yours
Beartooth
La pause de préparation du dernier groupe s’éternise, et nous assistons à des allées et venues sur scène, et à un stress palpable, un problème technique de taille rend la moitié des enceintes inopérantes… Après une vingtaine de minutes de retard, les efforts des courageux techniciens sont récompensés et Beartooth entre en scène sur Below, rien de moins ! Caleb Shomo, éternel bandana sur le front, déjà torse nu, est en pleine forme, et le reste de l’équipe est en place et efficace aussi.
La force et l’identité metalcore aux contours pop et punk hardcore de Beartooth (originaire de Columbus, Ohio) prend tout son sens en live, tout en puissance et en énergie, en mélodies accrocheuses et en couleurs US, où les accords majeurs distillent un vent d’optimisme même sur des titres aux paroles équivoques sur le mal être.
Devastation et Disease s’emparent de la performance dans un tourbillon de pêche, animé par la foule dans la fosse. Sur ce troisième titre, cet équilibre si particulier entre textes lourds de sens et musicalité véhiculant l’envie de bouger et de se réinventer est particulièrement bien représenté.
Body Bag reste dans la même veine avec un petit supplément de punk dans le dosage, puis vient le temps de Riptide. En version studio, ce titre “électron libre” de 2022 se démarque par un son Punk Rock presque pop, avec des arrangements qui lui donnent un petit air de tube à écouter sous le soleil. En live, et c’est une bonne chose, le titre ressort beaucoup plus lourd au niveau des orchestrations, sans perdre son refrain accrocheur que la foule chante à tue-tête, le sourire aux lèvres.
Dominate, autre titre de l’album Below qui s’est fait une belle place dans les ventes en 2021 au moment de sa sortie, porte également la marque de fabrique de Beartooth avec ce petit supplément d’énergie en live. Globalement le son n’est pas parfaitement équilibré, mais on leur pardonne compte tenu des contraintes rencontrées en début de set. Les quelques imperfections, d’une part, sont parfaitement tolérables, et c’est aussi ça la beauté du live ! Vibrer sur la musique, et pas seulement l’écouter.
Par ailleurs, l’engagement de Caleb, qui déambule en nage et saute partout tous tatouages dehors, de Connor Denis à la batterie, et des autres musiciens, dont Oshie Bichar à la basse, vaut largement la peine d’être observé (à l’exception de Zach Huston, qui est tellement concentré qu’on a l’impression qu’il ne prend aucun plaisir).
J’apprécie beaucoup la performance du désormais classique de 2014, The Lines, où la basse du talentueux Oshie Bichar est bien mise en valeur, ainsi que les tabassages en règle de Denis (qui joue avec Beartooth depuis 2018).
Grand moment également avec Skin, mon morceau préféré de Below, porté par le sourire permanent dans la voix de Caleb, les breakdowns efficaces, et la partie rythmique de Will Deely à la guitare, qui encouragent les headbangs et l’envie de bouger.
Après plusieurs morceaux où je me contente de profiter de l’ambiance très positive qui se dégage du moment, j’emmagasine ma dose de bons souvenirs en compagnie de personnes qui comptent pour moi, au milieu de cette soirée de qualité.
Hated et In Between marquent également un passage fort de la performance avec une belle complicité entre le groupe et le public.
Un rappel permet de prolonger la soirée avec un beau solo de batterie, puis une clôture survoltée sur le bien nommé The Last Riff, où Caleb vient se noyer dans la foule guitare en main pour une communion complète avec Paris.
Setlist :
- Below
- Devastation
- Disease
- Body Bag
- Riptide
- Dominate
- The Lines
- Beaten in Lips
- Skin
- Hell of It
- You Never Know
- Bad Listener
- Hated
- In Between
Encore :
- The Past Is Dead
- Solo de batterie
- The Last Riff
Une bien belle affiche, avec du hardcore qui envoie du lourd, du metalcore nouvelle génération très bien joué par Motionless in White, et du metalcore “punky” plein de positivité avec Beartooth qui a largement fait honneur à son dernier opus Below (et il est très bon !), ainsi qu’une excellente ambiance dans le public ont fait de cette soirée (“sold out” bien évidemment) un moment spécial pour moi aussi.
À propos de Tetralens
Cet article a été rédigé par Tetralens, qui est également la propriétaire de toutes les photos que vous avez vues ci-dessus.
Tetralens est une photographe basée à Paris. Si vous souhaitez discuter avec elle de son travail et/ou collaborer avec elle, vous trouverez toutes ses informations ci-dessous !
TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.