J’ai coutume d’employer le superlatif “chef-d’œuvre” assez facilement, peut-être un peu exagérément selon les disques et leurs auteurs mais la review que je suis en train d’écrire n’est en fait rien d’autre qu’un hommage à une œuvre magnifique (qui a dit chef-d’œuvre ?) qui trône dans mon top 5 depuis plus de 40 ans : “Black Rose” de Thin Lizzy.

Tous les amoureux de la bande à Phil Lynnot ont la même difficulté à expliquer pourquoi ils sont à ce point viscéralement attachés à Thin Lizzy, sans doute une connexion métaphysique inexplicable, ou simplement une émotion sans équivalent déclenchée par la voix de Phil et les belles harmonies des twins guitares…

L’histoire de Thin Lizzy est longue et parsemée d’embûches et de moments de grâce, de départs et de retours (ici c’est Gary qui revient !), de coups de sang et de coups de poing (ceux de Brian Robertson lui ont causé du tort !) d’amour et de drogues (la poudre signera sa perte), de fâcheries et de rabibochages avec la mort en ligne de mire…

Alors que le final countdown est déjà enclenché pour notre métis irlandais qui ignore que le Dieu Rock lui laisse encore un sursis, une goutte d’éternité pour exprimer son talent, c’est dans les studios Pathé Marconi à Paris en 1979 que va naître cette pépite, neuvième album du groupe.

Lorsque débarque “Do Anything You Want” avec son duo basse-batterie pour la première fois, je ne sais pas vraiment dans quelle catégorie classer ce que j’entends ! L’essence même de Thin Lizzy, à défaut d’être un carburant, est concentrée dans cette liberté, loin des modes, presque à l’avant garde, toujours singulière.

Les twins guitares qui entonnent ce phrasé tellement typique du quatuor me font chavirer : c’est du rock, un peu hard, un peu chaud, harmonique, c’est chaloupé, c’est exactement ce à quoi je ne m’attendais pas.

Cette basse, cette pulsation, c’est la colonne vertébrale de “Waiting for an Alibi”, hymne thinlizzien caractéristique, avec ses solis magnifiques à la tierce, le genre de titre qui reste imprimé à tout jamais dans la mémoire, c’est foutu, vous allez le garder dans la tête, mais qu’est ce que c’est beau !

Souvent les génies sont des “gamblers”, des parieurs, des joueurs de roulette russe qui se plaisent à flirter avec la mort en utilisant tous les paradis artificiels pour y parvenir ; Phil n’échappe pas à la règle : son alcoolisme et son addiction à la coke sont les thèmes de “Got to Give it up” – “je dois décrocher” cette supplique douloureuse résonne comme un avertissement sans sommation, un funeste présage qui se réalisera en 1986…

Bien sûr, impossible de passer à côté du titre dantesque “Black Rose”, air traditionnel irlandais agrémenté de solis fulgurants joués en alternance et en harmonie, sur un rythme crescendo, dans une débauche d’énergie et de batterie explosive, 7’04 de bonheur à l’état brut, quand le plaisir est présent sur un disque c’est comme un sourire au téléphone, ça s’entend…

Évidemment, j’aurais pu dire que chaque morceau a sa propre identité (ce qui est vrai !) et que c’est la marque des grands groupes, que l’immense Gary Moore éclabousse cette œuvre de tout son talent, que la section rythmique est survoltée (S&M entre autres !), que la production est impeccable, mais rien ne saurait traduire l’émotion qui jaillit lorsque le diamant est sur le vinyle, alors qu’il est déjà à l’intérieur du disque…

Cet album est aussi le rendez-vous de deux enfants terribles du Rock : Phil Lynnot et Gary Moore… ces deux là s’adoraient jusqu’à la détestation, après avoir composé ensemble le célébrissime “Parisienne Walkway” en 1978, ils se retrouvent sur ce brûlot qui les séparera une fois de plus jusqu’aux ultimes retrouvailles en 1983…

Plus tard, dans les années 2000, Gary rendra un hommage poignant à son frère d’armes dans un concert tribute réunissant tous les anciens musiciens de Thin Lizzy…

Finalement, tout est résumé dans le titre et dans la pochette : A Rock Legend, ici c’est bien le groupe qui entre dans la légende et les gouttes de sang qui transpirent de la rose sont autant de larmes de nos regrets éternels, quand un mythe en rejoint un autre…

Si vous n’avez jamais écouté Black Rose, il est encore temps (mais ne tardez pas trop !) vous y entendrez peut-être les murmures de ces cœurs brisés de la mythologie irlandaise, à moins que ce ne soit la complainte de ce petit métis, enfant du pays, bassiste et chanteur noir, disparu à l’âge de 36 ans mais dont on peut admirer une belle statue sur Harry Street dans le centre de Dublin…

Vous avez déjà voté !

Commentaires

Les publications ou les commentaires des utilisateurs ne reflètent pas les opinions de MetalZone, et aucun membre de l'équipe ne pourra être tenu responsable des propos des utilisateurs. Tout commentaire ne respectant pas la loi sera supprimé. Vous pouvez nous contacter pour signaler un commentaire abusif.