Décidément l’année 1978 va se révéler comme un millésime exceptionnel en matière d’albums live, visez un peu : ACDC affute ses guitares et nous transperce dans son “If you want blood you’ve got it”, Scorpions nous rapporte les bandes de sa tournée japonaise dans son incroyable “Tokyo Tapes”, Kansas nous invite à son “Two for the show” et Thin Lizzy nous prévient : ils sont vivants et dangereux !
On a beaucoup écrit sur ce “Live and Dangerous” et notamment sur la production qui aurait fait ré-enregistrer des pistes en studio , mais au final, ça n’enlève rien à la magie de ce double album..
Le “style Thin Lizzy” (souvent imité, jamais égalé !) est un harmonieux mélange de rock, de hard-rock, avec une dose de folk, de blues et les fameuses “twin guitars”, le tout teinté d’influences celtiques ,car notre leader-bassiste Phil Lynott, bien que né en Angleterre, est irlandais par sa mère et fier de l’être…
La personnalité hors-norme de Phil est l’atout principal du quartet,sa voix grave et chaude , très reconnaissable , fait cohabiter chez le métis irlandais le soulman et le bluesman , loin des chanteurs hurleurs de sa génération… Bien sûr,la paire de gratteux n’est pas en reste avec le californien Scott Gorham affublé de l’écossais Brian Robertson, bagarreur autant sur sa six cordes que dans les pubs, et derrière les fûts, l’irremplaçable batteur virtuose Brian Downey.
Durant leurs tournées de 1976 et 77, la captation de plusieurs extraits de concerts va aboutir à ce chef-d’œuvre (n’ayons pas peur des mots !)… en vérité c’est grâce à ce best-of en public que je vais découvrir Thin Lizzy en 1980 (deux ans après sa sortie) mais je ne savais pas à 16 ans qu’il était presque déjà trop tard….
Toutes les pistes de ce live sont des classiques mais certaines me touchent plus que d’ autres :
Si le premier titre “Jailbreak” me tient à cœur, c’est non seulement pour ce riff bien carré , ce long pont qui laisse partir les guitares suivi du break basse-batterie mais aussi pour l’avoir joué sur scène, (plus tard) non sans mal, je l’avoue.
“Emerald” et ses accents celtiques nous rappelle que Phil reste à jamais irlandais,les twins guitares se répondent et la batterie de Brian Downey est aérienne, ça envoie sévère !
L’entame de la première face B est un de mes préférés “Dancing in the Moonlight” et son groove inimitable ,structure rock, guitares saturées modérément, le phrasé chaloupé de la basse et le final à l’unisson avec le saxo de John Earl: unique ! L’enchaînement des guitares se fait naturellement avec “Massacre” son riff et sa rythmique galopante entraînée par un Brian Downey très inspiré…
Quelques notes de guitare qui se meurent en intro et s’ouvre la complainte de Phil “Still in love with you”… ici pas d’effets, pas de faux-semblants, l’émotion à l’état brut surgit et vous alpague : c’est presque sur le ton de la confidence qu’on perçoit toute la douleur de l’enfant terrible de Dublin juste avant un solo des familles, celui qui vous fout le frisson, peut être même la larme, dans un silence quasi religieux et ce moment de grâce sera salué par une salve d’applaudissements du public à la fin ! Cette coutume d’applaudir le soliste de ce titre perdurera bien au delà du vivant du groupe, comme un hommage éternel..
Venons en aux blockbusters du groupe sur la face 3 : “Cowboy Song” et “Boys are back in town” indissociables comme les deux faces d’une même pièce, la mélancolie et la joie qui se succèdent dans l’ascenseur émotionnel.
Sur le premier titre, alternance de phases calmes et énergiques avec ce riff légendaire à deux guitares, simple mais tellement beau. Phil interpelle le public pendant un break “you can let yourself go” puis dans une transition presque naturelle, l’hymne “Boys are back in town” déferle sur le public comme une tornade joyeuse , toujours sublimée par les twin guitares, montant dans la gamme crescendo jusqu’au final !
Pas le temps de reprendre son souffle que débarque “Don’t believe a word” dans sa version “boogie” endiablé, avec ce riff brut de décoffrage et le solo de guitare à la pédale wah-wah pour ce brûlot de 2’19…
Sur la dernière face, le groupe délivre un riff carré dont il a le secret dans “Suicide”, on ne peut s’empêcher de taper du pied et de suivre l’équipe jusqu’au final flamboyant !
Enfin, Phil va faire la présentation des musicos pendant le morceau “Baby drives me crazy”, avec à l’harmonica un certain… Huey Lewis… Thin Lizzy c’est avant tout un collectif au service d’une voix unique, mais chacun sait ce qu’il doit à l’autre…
Bien sûr tous les morceaux ont leur place dans ce somptueux écrin , les diamants sont éternels, tout le monde le sait…
Scott Gorham et Brian Downey seront les plus fidèles lieutenants de Phil, présents jusqu’à la mort du groupe et jusqu’à la mort du leader, emporté à l’âge de 36 ans par une septicémie en janvier 1986.. pour comprendre l’engouement autour de Phil Lynott, il suffit de se rendre à Dublin pour y admirer la statue érigée à sa mémoire…
Pour finir, il faut noter que ce live a été classé parmi les 10 meilleurs albums live de tous les temps, j’espère que ces lignes auront éveillé la curiosité de certains ou réveillé des souvenirs pour les autres…
Bob Dylan disait que lorsqu’il avait le blues, il écoutait Elvis, moi quand le moral descend, j’écoute Thin Lizzy et surtout” Live and Dangerous”, et même si les Boys ne sont plus en ville, ils sont immortels…
Perso je l’écoute régulièrement, un de mes albums live favoris !
RIP Phil 🎸
Pareil, j’en ai écouté des tonnes mais celui-ci est à part…