Fear Inoculum

Tool
Fear Inoculum

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Commençons par déminer le déminable (néologisme prononcé en un mot). Une review de Fear Inoculum est sortie au moment de la parution de l’album, et un hommage doit lui être rendu car elle reflète avec justesse ce que les plus enthousiastes fans de Tool pensent de cet album, à savoir que c’est un chef d’œuvre.

On pourra également arguer qu’il y a suffisamment d’album sur terre pour passer son chemin et aller explorer de plus vertes prairies. Le souci c’est qu’on ne parle pas de n’importe qui. On parle d’un groupe qui a marqué l’histoire du métal. Combien d’entre nous ne se souviennent pas de ce qu’ils faisaient de leur vie quand ils ont entendu « Aenema » pour la première fois ? Combien d’entre nous ne savent plus quel étrange et puissant sentiment de plénitude les a pris aux tripes à l’écoute de chacun des titres de « Lateralus » ? Très peu j’en prends le pari.

Treize ans (soit 4749 jours, si on compte les années bissextiles…) sont passés après « 10 000 Days ». Le peuple a attendu les tournées, les projets parallèles (soit dit en passant, Metalzone offre une prime pour les reviews des derniers A Perfect Circle et Puscifer, à condition bien entendu de dire pourquoi ils sont si mauvais), les problèmes de label, les annonces du type « on commence l’écriture », ou le fameux « on rentre en studio ». On a parlé de politique et on a même enduré les lubies viticoles de certains en attendant que le successeur sorte. Autant dire qu’il était temps.

Un nouvel album de Tool ne s’écoute pas n’importe comment. Il faut du calme, de la concentration, du recueillement, de la perspective. Mais pour Fear Inoculum, les meilleures conditions d’écoute et la multiplication des expériences acoustiques aboutissent au même résultat. Même en battant les gosses pour qu’ils fassent silence, en posant un jour de RTT et en ouvrant tous ses chakras très large… on reste sur notre faim.

La recette est là. La voix de Maynard James Keenan est aussi précise, le spectre est aussi large, entre la hargne et la supplication. Adam Jones et Paul D’Amour sont toujours aussi sous-estimés, eux qui ont fait le son de Tool. Enfin, que dire du jeu de Danny Carey, dont la charpente donne la structure la plus cohérente possible à des morceaux toujours aussi longs et aussi mouvants. Mais avec toute la technique et l’inspiration qu’on retrouve dans cet album, on s’attendait à mieux, après treize ans d’attente.

La chanson « Fear Inoculum » ouvre le bal avec son chant posé et les sons de guitare tranchants et métalliques que l’on aime tant, mais à l’approche de la fin on commence à sentir le « déjà vu » comme on dit en anglais, et les percussions Lateralus (la chanson)-Reflexion renforcent ce sentiment. La construction prog à la Tool est là et le final, sorte de mix Jambi-Schism nous rassure dans ce qu’on attendait, tout en nous faisant nous interroger pour la suite. Pneuma, quant à elle suit le même type de structure que « Schism », voir presque le même refrain. Commence ensuite la bouffée d’air « Invincible », Ode au combat, qui pour moi aurait mérité d’être dans la BO du superbe Apocalypto de Mel Gibson, mais rapidement on retombe dans le même type de structure Toolien : Breaks rythmés par les saccades de Carrey, solo de guitare sobre mais à rallonge, contre chant de Keenan, saccade basse-batterie, refrain, et final batterie/contre temps basse guitare. Même structure pour « Descending ». Même structure pour « 7empest »…etc.

La superbe et mystérieuse intro de « Culling Voices » laisse place à une réutilisation du refrain jusqu’à l’os, un peu comme « Forty six & 2 », la nouveauté en moins. On se prend même à espérer que la piste « Litanie contre la peur », présente dans certaines versions de l’album, avec le potentiel qu’elle a, se continue en « vraie » chanson, mais nous n’aurons pas cette chance. Les thèmes mystiques de la vie, de la mort et du renouveau sont toujours là, mais la lame s’est émoussée…

Tool est un groupe trop complexe et trop particulier dans le métal pour avoir fait des petits ou créé un courant. Mais pour ceux qui veulent explorer le progressif sauce Keenan et ses acolytes et s’ouvrir de nouveaux horizons, je ne saurais que conseiller l’excellent « Polygondwanaland » de King Gizzard and the Lizard Wizard, à mi-chemin entre Tool et Jethro Tull, ou l’extraordinaire « Fear of A Blank Planet » de Porcupine Tree, bête de férocité et de finesse.

Fear Inoculum n’est pas un album moyen, c’est un album fantastique, aussi puissant que maitrisé. Mais qu’est-ce qu’une traversée du pacifique pépère en paquebot quand on nous a déjà fait passer le Cap Horn en radeau, ou qu’on nous a fait parcourir l’antarctique à la place des Huskies, sous une pluie de coups de fouet ? Tool, aussi fantastique, technique et novateur soit-il, s’assoit sur les acquis des deux monstres d’introspection et de mysticisme qu’ont été Aenema et Lateralus, et à moindre mesure 10 000 Days. Et si on me promet un album comme ceux que je viens de citer, je suis prêt à attendre 10 000 jours.

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