Après le succès incontestable de leur performance au dernier Hellfest et après s’être illustrés en première partie de Metallica, les membres d’Architects ont poursuivi en 2023 leur projet entamé avec la sortie de The Classic Symptoms of a Broken Spirit, album ayant vu le jour fin 2022.
Il était donc assez logique de les voir entamer les débuts de 2024 avec le lancement de cette tournée, aux côtés de leurs confrères de Loathe et de Spiritbox. La date à Paris, sold out, donnait d’emblée le ton de l’accueil offert par le public français.
Texte et photos par Tetralens (tetralens.com)
Loathe
L’attente avant le lancement de la soirée semble interminable, mais Loathe finit par apparaître (enfin arriver sur scène…) dans une pénombre faite de fumée et de silhouettes fantomatiques. On plonge assez rapidement dans l’univers Loathe, ce metal progressif ascendant shoegaze à l’ADN lynchien, avec le titre Gored.
Kadeem France semble très en forme, et l’audience du Zénith leur réserve un accueil chaleureux qui montre que la fanbase a grossi depuis quelque temps, notamment depuis le Hellfest où beaucoup les découvraient encore.
Le set assez court, et globalement assez… confidentiel, propose des titres comme Dance on My Skin ou New Faces in The Dark (un des titres ayant posé les bases de leur succès), où l’atmosphère lourde et lancinante s’entremêle à une écriture complexe et technique.
À défaut de les voir, on entend tout de même leur identité, mais avec à mon sens un équilibrage perfectible (la voix de Kadeem me semble mal restituée). Je me plonge pleinement néanmoins dans Is It Really You?, qui se clôturera sur la confirmation que les Britanniques ont dû s’inspirer du concept visuel de Celeste, lorsque des techniciens glissent comme des ombres sur scène, avec des frontales rouges… Ils profitent de la fin de performance pour saluer et remercier leurs compatriotes d’Architects : “C’est un honneur absolu d’être en tournée avec eux !”
Bien que je comprenne et adhère en partie au principe de l’identité originale et du côté dépouillé de la scénographie pour servir l’essence même de la musique, j’ai trouvé ce soir que ce paramètre avait desservi ce très bon groupe de live, et minimisé même l’impact du jeu très précis des musiciens.
Setlist :
- Gored
- New Faces in the Dark
- Aggressive Evolution
- Screaming
- Dance on My Skin
- Is It Really You?
- Heavy Is the Head That Falls With the Weight of a Thousand Thoughts
Spiritbox
C’est au tour du quatuor d’outre-Atlantique de prendre possession des lieux et d’emplir l’espace du Zénith de sa musique. Le choix du titre d’ouverture annonce la couleur, Cellar Door (joué en live pour la première fois sur cette tournée), single de fin 2023, caractérisé par une partie vocale rageuse très deathcore et un esprit lugubre, et on comprend que Courtney LaPlante et sa clique veulent passer à l’étape suivante, l’après Eternal Blue (album de 2021).
Malgré un jeu puissant de Zev Rose à la batterie et acerbe de Josh Guilbert à la basse, je déplore un certain fouillis sonore, où la voix de la frontwoman est un peu étouffée (quand on connaît ses capacités vocales, elle semble ici à 70%). Le titre suivant, également une production figurant sur l’EP de 2023, Jaded, porte bien plus l’essence que l’on connaît à Spiritbox, intro plutôt aérienne, base rythmique metalcore, voix claire façon ballade rock où Courtney gâte son public masculin avec ses ondulations habituelles, et soudain, scream de furie. On dirait presque le petit frère de Circle With Me (Eternal Blue, 2021). Pourquoi pas, ce titre me parle davantage que le précédent.
Après encore deux titres récents, The Void et Angel Eyes – où Courtney, cheveux de jais et robe courte en velours noir, éclipse presque trop les autres musiciens qui œuvrent tout de même avec brio et engagement – ça y est, on passe aux titres déjà connus du groupe. Après un Rotoscope un peu éteint, Hurt You réveille un peu la foule. Mais c’est l’apparition sur scène de Sam Carter pour un duo vocal sur Yellowjacket qui transfigure la salle.
La performance se clôt sur deux titres très appréciés par les fans du groupe, le fameux Circle With Me évoqué plus haut, et bien sûr Holy Roller, à l’issue duquel la chanteuse fera une courte intervention pour rappeler que l’intolérance et l’homophobie ne sont pas des idées bienvenues au sein du groupe, et un petit tir gratuit pour un hypocrite (M. Radke de Falling In Reverse ?).
Même si le public est au rendez-vous avec une fosse quasi impraticable, on a tout de même senti une retenue, sûrement en raison de cette sono/voix un peu étouffée. Pas vraiment la meilleure performance live de Spiritbox.
Et pardon… C’était quoi cette manucure, Courtney ?
Setlist :
- Cellar Door
- Jaded
- Angel Eyes
- The Void
- Rotoscope
- Hurt You
- Yellowjacket (avec Sam Carter)
- Circle With Me
- Holy Roller
Architects
Après un changement de plateau où les gens vont et viennent et surtout où la foule se densifie encore plus près des crash-barrières pendant la diffusion des titres de classic rock habituels, l’heure de la performance des têtes d’affiche approche, mais, c’est une introduction surprenante qui apparaît sur scène, deux personnes représentant le collectif Sea Shepherd. Une intervention qui a certes du sens, mais un peu à rallonge, pour nous parler d’un grand pas pour l’association qui célèbre un succès juridique pour la sauvegarde des dauphins, et nous éclairent globalement concernant l’état et la sauvegarde des océans, une cause qui tient particulièrement à cœur à Sam Carter, qu’ils remercient chaleureusement pour cette tribune.
Dans une pénombre bleutée, des ombres se distinguent, puis l’on découvre une mise en scène à trois étages, faite d’écrans géants sur lesquels se dessinent un décor changeant au fil du set. On est clairement sur la même base que la scénographie des compatriotes de Bring Me the Horizon ou encore dernièrement de While She Sleeps… une mouvance d’outre-Manche ? Quoi qu’il en soit, le coup d’envoi sur le banger de décembre 2023, Seeing Red, met le Zénith en joie. Nos musiciens sont très en forme pendant que Sam Carter, chanteur et frontman, se présente au public en parka streetwear. Je vous promets qu’il ne fait pas froid pourtant ! Après Giving Blood, dont la lancinante intro se répand dans l’air, c’est un Deep Fake dévastateur qui fait définitivement entrer dans la performance, sur des lumières rouges d’un très bel effet.
Sur certains passages, comme sur le début d’Impermanence, quelques soucis de sons perturbent un peu la magie de la performance, mais cela ne gâche pas l’ambiance formidable qui règne dans ce Zénith plein à craquer. Et ça y est, le frontman tombe enfin sa parka.
L’intermède suivant est l’occasion pour le groupe d’exprimer un message collectif de tolérance : “Tous les membres de ce groupe sont des vecteurs de tolérance, à l’égard de toute personne, quel que soit son sexe ou sa sexualité…” Un message d’affirmation face aux polémiques récentes.
Un très beau moment, à la fois sur le plan graphique avec un beau jeu de lumières, et sur le plan musical, avec Discourse is Dead, probablement l’un des titres d’Architects qui me touche le plus. Dans le public également, on aperçoit une augmentation des slameurs qui planent sur la fosse.
Le groupe enchaîne avec une courte intro aux accents presque pop avec voix claire, sur un décor mouvant bleu et rose, mais ouf, Hereafter présente bien sa structure puissante digne du mathcore/deathcore façon Architects, avec notamment des screams tonitruants.
Je m’arrête un moment sur la mise en scène, qui tient la route il faut le dire, adaptée de surcroît aux six musiciens (tout de même) qui se répartissent les trois étages de scène. Les deux guitaristes à l’étage bas, la section rythmique au premier niveau, et depuis la plateforme la plus haute, Sam qui survole le set, la salle, Paris, l’Europe, avec une voix forte, et d’une justesse pointue.
On perçoit toute la puissance dans l’intention, portée par la puissance de la rythmique à la fois lourde et mélodique.
La tornade brute du titre Gravedigger laisse place à un moment suspendu, comme de recueillement collectif avec Dead Butterflies et ses aspects plus marqués metal progressif, qui est aussi le théâtre d’un lâcher de cotillons, et d’un signe de ralliement formé par des milliers de mains, formant des ailes de papillons.
Le chanteur introduit Little Wonder avec quelques mots en hommage au guitariste Tom Searle décédé d’un cancer en 2016 : “Sans vous, les fans, nous n’aurions jamais pu continuer en l’absence de Tom. Mais ce soir, nous allons célébrer sa vie.” Titre pendant lequel on note toute l’implication de Dan Searle à la batterie, mettant tout son cœur dans son jeu, en mémoire à son frère jumeau.
Doomsday, un titre si puissant, dont les paroles parlent du diable, du mal sous toutes ses formes, même celles où les fantômes sont omniprésents en chair et en os, vous hantent et vous abandonnent à la fois, au vide, au néant, là où il y avait auparavant des rires et de la folie.
Le set se poursuit avec quelques mots du groupe, plus conventionnels cette fois, remerciant le public parisien, évoquant l’un des meilleurs concerts de tous les temps (oui, on l’a déjà entendu), suivis de mots de gratitude et de respect pour les collègues de Loathe et Spiritbox.
C’est sur Meteor que le point d’inflexion de la soirée se fait sentir, un véritable moment de lâcher-prise sur scène, où Adam Christianson est très impliqué, et Alex Dean d’une belle précision.
Les riffs aigus foudroyants sont parfaitement englobés dans le jeu des autres musiciens, y compris des membres de cette tournée, Martyn Evans et Ryan Burnett, en plus du quatuor de fond, Sam (dont la voix tenue haute est assez caractéristique des Britanniques), Dan, Alex et Adam.
Quelques mots pour sonder combien d’entre nous étions au dernier Hellfest (où ils avaient donné une sacrée leçon en mainstage) puis Architects nous régale d’un dernier titre… et quel titre ! Animals !
Une fin en apothéose, accompagnée d’une autre salve de confettis projetés dans les airs qui ajoute encore quelques étoiles dans les yeux des fans déjà, on le sent, impatients de retrouver au plus vite sur les planches ces véritables concepteurs d’un metalcore bien à eux, ces bâtisseurs de tubes.
Setlist :
- Seeing Red
- Giving Blood
- deep fake
- Impermanence
- Deathwish
- Black Lungs
- Discourse Is Dead
- Hereafter
- Gravedigger
- Dead Butterflies
- Little Wonder
- Doomsday
- Royal Beggars
- These Colours Don’t Run
- a new moral low ground
- Meteor
- when we were young
Encore :
- Nihilist
- Animals
À propos de Tetralens
Cet article a été rédigé par Tetralens, qui est également la propriétaire de toutes les photos que vous avez vues ci-dessus.
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TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.