Après un Portrait of an american family qui laissait augurer une suite délicieusement malsaine et l’EP Smells like children qui a bien fait comprendre au monde que de 1) le Révérend est totalement dérangé et on adore ça, et de 2) qu’avec un titre comme Sweet dreams (are made of this) il était capable de sortir des hits rentrant directement au panthéon du metal, arrive donc Antichrist superstar, vu encore par beaucoup comme le chef d’oeuvre absolu de Marilyn Manson. C’est d’ailleurs avec lui qu’il va vraiment éclater.

Beaucoup plus sombre, l’album nous met une patate de forain direct avec Irresponsible hate anthem. Un hymne incroyable “We hate love, we love hate” repris par le public, et c’est parti pour une critique des Etats-Unis ultra violente. L’artiste aux yeux verrons hurle à s’en déchirer la voix, il a la rage et c’est jouissif. Des punchlines insanes comme “I wasn’t born with enough middle fingers” pleuvent et c’est une claque qu’on prend pleine gueule.

Arrive ensuite l’iconique début batterie de The beautiful people, suivi par la guitare, simple mais tellement efficace. Certains pensent que c’est la meilleure chanson du Révérend, et je n’ai aucun argument à opposer car même si je l’adore et que ce n’est pas mon avis, je comprends totalement. Et hop, une deuxième claque ! Ca balance sévère, les paroles sont percutantes, tranchantes (les médias et les puissants sont attaqués, mais également le peuple qui se complait dans ce système) et waouh quoi, quelle masterclass ! En live, là, on va toucher au sublime.

Bon, il est tant de reprendre un peu son souffle avec des titres plus calmes mais géniaux malgré tout : Dried up, tied and dead to the world ultra original où plein de sons et d’effets intéressants sont intégrés (il y a en filagramme tout une comparaison avec Jésus-Christ et ce qu’il a vécu) et Tourniquet qui va devenir un classique du genre (là il est question d’amour, de vulnérabilité, de cruauté envers ce qui est beau ; et oui, MM n’est pas seulement un taré qui hurle et qui est vulgaire). Little horn déboule sur un riff de guitare qui donne envie de pogoter, et qui au-delà de la musique envoie du lourd niveau paroles. Mais bon ça, c’est sur quasi tous les titres de toute façon (là il y a évolution et envie de faire se réveiller les “moutons”). Puis on tombe encore plus dans le mystique, avec Cryptorchid. Hypnotique, fascinant, Manson expérimente et cela fonctionne si bien. Ce n’est évidemment pas un banger, mais c’est une transition. Musicale mais aussi au niveau de “l’histoire racontée”. Il est temps de ne plus suivre la masse et de prendre ses propres décisions. Si cet album a pu réveiller pas mal de jeunes, c’est qu’il a gagné son pari.

Et on fonce vers encore plus de “dirty”. Deformography provoque, “l’ennemi de l’Amérique” s’éclate et cela s’entend. Le ver est devenu une star et jamais personne ne pourra l’imiter. Puis on a un peu de caricature avec Wormboy, où sa folie a tout loisir de nous charmer… Dans son évolution, il est devenu persuadé que Dieu n’existe pas et qu’il faut profiter, à fond, tout le temps, toujours… Et là…

Là, comme au début de l’album, on va s’enchainer patate de forain sur patate de forain. Une “fin” d’album qui, sans mauvais jeu de mot, tutoie le divin. Mister Superstar repart sur la provoc’ à fond la caisse (vous aimez son image ? Mais que connaissez-vous vraiment de lui au final ?). Angel with the scabbed wings (l’ange corrompu par la société) devient frame one un classic, avec son intro guitare, encore une fois sans fioriture mais tellement efficace. Chanson qui sera le lancement du premier “documentaire/live”, Dead to the world, et on comprend pourquoi. Cette entrée sur ma VHS à l’époque, je l’ai maté au moins 200 fois. Je n’avais jamais vu ça, j’étais fasciné. Ce premier “film” sera pour moi un tournant de ma vie musicale. Avec un Manson ensanglanté qui pète un câble en coulisse et qui fracasse tout, une scénographie stupéfiante et si glauque, mais aussi beaucoup de passages sur ses virulents détracteurs, j’en ai encore des frissons.

Ensuite arrive Kinderfeld, interprétée en live avec notre grande tige décharnée sur des échasses, et là l’ambiance est si malsaine, si impure, si morbide… Une merveille (et surtout une référence à son grand-père, dont on sait depuis son autobiographie qu’il a grandement contribué à pervertir le jeune Brian Warner) ! Qui précède LE titre éponyme de l’album : Antichrist superstar (ça y est : la transformation est finie, la superficialité du monde aura eu raison de l’homme pur qui observait, l’antéchrist est là). Qui comme beaucoup de ces collègues de l’album sera incroyable en concert (même si certains n’ont pas tellement aimé “l’étrange ressemblance” avec le logo nazi sur le promontoire où est perché Manson). La chanson est tellement efficace, chaque phrase est réfléchie, tout est étudié dans les moindres détails pour que ce soit un véritable bijou. Repent, I am the hydra bordel !!!

Daisy, Twiggy et Ginger ne font pas étalage d’une technique à se décrocher la machoire. Les riffs sont même assez simplistes. Mais ça va droit au but, c’est dur de faire plus rentre-dedans en restant aussi basique. Parfois on se dit même “mais c’est si simple, pourquoi cela n’a pas été fait avant ?”. Et oui, “si simple”… et pourtant si compliqué de tout combiner pour former un ensemble cohérent et qui tabasse surtout.

1996 se pointe et là, je pense que pas mal de puritains américains ont du faire une crise cardiaque. Le politiquement correct ? Tu oublies. Notre petit ver innocent a la haine, il n’aime pas ce que la société l’a fait devenir. L’énergie est surpuissante sur ce titre. La fin de cet album est vraiment épique ! Plus aucune retenue.

Et c’est là où Manson étonnamment calme le jeu. Après Angel, Antichrist, 1996 qui envoyaient des claquasses à tout va, on se prend un Minute of decay avec une basse qui reste dans la tête, une voix lancinante (d’ailleurs, la chanson aurait pu être tellement mieux… 1er enregistrement, notre ange déchu craque, chiale et l’intensité devait être à son comble… sauf que le producteur, Trent Reznor n’aime pas, lui dit qu’il en fait trop, et comme ça le vexe, il ré-enregistre, mais sans la spontanéité du moment… dommage, vraiment dommage)… Mais bref, ce contre-pied est excellent. Mais bon, il n’allait pas partir sans finir en beauté quand même !

Et c’est parti pour The reflecting god. Un concentré survitaminé de l’album : c’est violent, provoquant, dénonçant, original “musiquement parlant”, malsain. Cela résume parfaitement l’album. Et puis ce “I went to god just to see and I was looking at me”… wow ! Les influences nietzschienne apparaissent au grand jour et elles y abordent le culte des victimes médiatisées. Ce que notre antéchrist veut devenir, en se faisant tuer par son propre public.

Allez, on va se finir dans le calme mais néanmoins oppressant et flippant Man that you fear. Le révérend n’est pas bon qu’à hurler, il peut apporter beaucoup de nuances dans sa voix, et c’est beau tout simplement. Cette “ballade dérangeante” est un pur régal et termine parfaitement cette oeuvre. L’antéchrist est mort, l’Eglise est accusée de l’avoir créé et les fans de l’avoir poussé dans ces derniers retranchements.

Bon, je zappe volontairement Untitled, qui est un délire de fin et qui, on va être honnête, est la seule chanson inintéressante d’Antichrist superstar (même si en fait, c’est au final un retour de la piste 1, ce qui veut dire que l’antéchrist va revenir, tel est son fardeau). On préférait l’ultime Misery machine de Portrait of an american family. Mais bon, c’est vite oublié.

Au final, cet album enchaine les pépites et est devenu culte pour beaucoup. Et c’est vrai qu’à l’époque, ça a fait l’effet d’une bombe. Malsain et provocateur, il est comme son “maître” finalement. En même temps, quand on lit dans l’autobiographie de Manson qu’ils se faisaient des séances studio où ils se droguaient H24, qu’ils ne dormaient pas, et qu’un jour ils sont allés chercher des os dans un cimetière pour les fumer, bon, on sait que c’est pas un skeud “pour faire genre”. Il représente l’état d’esprit de ses compositeurs à ce moment là.

D’ailleurs, ça a été vraiment le début de gros problèmes pour le groupes : des manifestations d’opposants, très souvent religieux, avant chaque concert, des annulations, des attaques de toute part. Les politiques aussi ont voulu faire disparaitre ce qui était “la goutte d’eau de trop”. Les paroles ont choqué et beaucoup n’accepte pas qu’un artiste puisse dire autant de choses aussi crues et vulgaires. Enfin vulgaires… Le terme est mal choisi, car avec Manson il faut lire entre les lignes. Il faut même parfois se creuser la tête pour essayer de comprendre ce qu’il a voulu dire (les messages cachés y sont légion).

Et puis ce ne sont pas des chansons mises au hasard. Comme j’ai essayé de l’expliquer tout du long en parlant du côté musical mais aussi du message derrière chaque song, il y a une histoire. Tout est millimétré, calculé.

Pour résumer : que c’était bon bordel… La suite “proche” sera excellente, mais beaucoup plus “clean” et travaillée. Le véritable Manson crade, c’est dans Portrait et surtout Antichrist qu’on l’a. Et quelle période c’était… Je suis content d’être vieux juste pour l’avoir connue 🙂

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6 Commentaires

  1. Très bon article. Il est vrai que cet album est pépite. Je l’écoute d’ailleurs encore régulièrement. Les sons, les paroles, la musique c’est presque un perfect pour moi.
    C’est cool car même en 2023 on en parles encore de cet album de dingue. 🤘

  2. Bon boulot ! Ça m’a donné envie de réécouter mon “remix and repent” (dommage qu’il n’y ait pas une petite ligne dessus).
    Tu me rappelles 1) à quel point je suis dégoûté d’avoir prêté ma VHS et de ne l’avoir jamais récupérée 🥺
    2) Le bonheur d’avoir découvert le travail de Trent Reznor grâce à cet album.
    Au plaisir de te lire à nouveau.

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  3. Salut manslipkorn,
    Très belle review,on sent que tu l’as beaucoup écouté et aimé cet album, je ne suis pas fan de Manson mais ce que tu décris ne peut que donner envie à ceux qui ne le connaissent pas d’au moins y jeter une oreille, et c’est le but ..

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  4. Excellente review… j’ai eu la chance de connaître ça au moment de la sortie moi aussi. La 1ere fois que j ai écouté 1996, j en ai eu des frissons. Énorme album. Mythique. Merci du flash-back, je vais me le remettre pour dormir !

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  5. J’aime beaucoup tas review, alors que je n’aime pas vraiment Manson, enfaîte c’est le Metal industriel que je n’aime pas (c’est quand même une branche bien isolée et éloignée du Metal) mais je dois avouer avoir un faible pour “Beautiful People” (je sais pas très original) le point qui me dérange avec Manson c’est qu’il veut continuellement se donner une “image de… ” souvent fausse car démenti par lui-même, c’est le côté superficiel de vouloir exagéré et de s’en faire la notoriété mais ça c’est une autre histoire.
    Mais Manson sait s’entourer de bons musiciens comme Tyler Bates ou John 5, en tout cas on sent de la passion dans ton avis.

    1. Merci pour ton comm’. Je peux comprendre ce qui te dérange. Moi même je n’ai pas tout accepté aveuglement. Et oui, il a un don pour s’entourer de sacrés zikos… Les guitaristes qu’il a eu, c’est fou. M’enfin, c’est fini désormais, alors il n’y a plus qu’à savourer ces anciens albums. Et pour Beautiful people, c’est pas original, mais ce titre est tellement jouissif que normal quoi 🙂

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