Le guitariste et compositeur légendaire Jason Becker, qui vit avec la SLA (sclérose latérale amyotrophique) depuis plus de 30 ans, a détaillé, lors d’une récente interview accordée à Grammy.com, le système qui repose sur les mouvements des yeux qu’il a développé avec son père et comment il lui permet de communiquer, d’avoir une conversation et de composer de la musique !
Jason Becker a déclaré : “Lorsque j’ai été hospitalisée pour me faire opérer de la trachée et poser une sonde gastrique il y a 24 ans, mon père savait que je ne serais plus capable de parler. Il était déjà difficile de comprendre ce que j’essayais de dire car ma voix était trop faible. Un orthophoniste a apporté ce qu’il avait [comme appareil] pour communiquer, mais le fonctionnement était très compliqué et le résultat impersonnel. Il y avait des phrases préenregistrées comme : ‘J’ai froid, je suis en colère, apportez-moi de l’eau’, etc. C’était basé sur des raccourcis pour les besoins et les difficultés de tous les jours.”
“Mon père ne pensait pas que ça marcherait et était un peu terrifié à l’idée que je ne puisse pas communiquer facilement ce que je voulais dire – même si c’était juste pour faire une blague ou participer à une conversation. Il s’est rendu dans son studio et a conçu une grille avec les lettres de l’alphabet, divisée en six carrés. Chaque lettre nécessitait deux mouvements des yeux. En nous y habituant, nous avons vu que nous pouvions créer nos propres raccourcis, comme lever les sourcils pour un oui et lever les lèvres pour un non, et des choses comme ça.”
“Et, nous l’avons tous mémorisé maintenant et nous pouvons tous tenir des conversations à un rythme assez rapide. Je peux raconter de longues histoires, faire des blagues et participer à des conversations. D’autres personnes m’ont dit qu’elles l’avaient essayé et qu’elles l’avaient aimé. Lors de la projection d’un de mes films, j’ai rencontré une femme du Texas qui m’a dit qu’elle avait pu parler à son père pour une dernière fois et qu’elle en était très reconnaissante. Je n’ai toujours rien trouvé de mieux pour moi, y compris les systèmes informatiques ; ils ne sont tout simplement pas assez personnels ou rapides.”
“Avec la musique, c’est assez simple. Je n’ai même pas besoin d’un musicien quand je compose. J’utilise LogicPro et j’ai beaucoup de superbes échantillons d’instruments. Je dis à mon assistant où placer les notes. Je réarrange les notes, instrument par instrument, et piste par piste. Je sais généralement ce que je veux faire et quelles harmonies et contrepoints sonneront bien. Je peux régler la vélocité et le volume de chaque note. Je dis à mes assistants, par exemple : ‘Allongez la troisième note’ ou ‘Baissez la vélocité’. Lorsque j’enregistre des musiciens, il est facile d’expliquer ce que je veux. J’ai également eu un excellent coproducteur, Dan Alvarez, qui comprend ce que je dis et peut expliquer les choses.”
Le combat de Jason Becker
L’histoire de Jason Becker est une histoire d’intelligence, de talent, de détermination, d’adversité et, finalement, de triomphe. Enfant prodige de la guitare, Jason s’est fait connaître dès l’adolescence en formant le duo de guitares techniques Cacophony avec son ami Marty Friedman. En 1989, à seulement 19 ans et après avoir épaté les publics du monde entier, le jeune virtuose devient le guitariste de David Lee Roth, suivant les traces d’Eddie Van Halen et de Steve Vai. Il a écrit et enregistré sur le troisième album solo de David, A Little Ain’t Enough (1991), et était sur le point de devenir une superstar lorsqu’une douleur lancinante dans sa jambe a été diagnostiquée comme étant la maladie du motoneurone (MND), également connue sous le nom de sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Lou Gehrig, la même maladie avec laquelle Stephen Hawking a vécu pendant plus de cinq décennies. Il s’agit d’une maladie mortelle dont l’espérance de vie est d’environ cinq années.
C’était il y a plus de 30 ans. Il a perdu la capacité de jouer de la guitare, de marcher, de parler et de respirer par lui-même. Mais il n’a jamais perdu sa volonté de vivre ni son désir de créer de la musique. Communiquant par une série de mouvements oculaires grâce à un système mis au point par son père, Jason épelle des mots ainsi que des notes et des accords musicaux. Il transmet sa vision musicale à son équipe, qui peut alors entrer les notes dans un ordinateur, éditer les parties selon ses normes rigoureuses, puis générer des partitions pour les musiciens de session. Sa musique inspirante et l’histoire de sa vie ont fait l’objet d’innombrables articles de presse et couvertures de magazines.
Le dernier album de Jason Becker, Triumphant Hearts, est sorti en décembre 2018 via Music Theories Recordings/Mascot Label Group. L’album comprend des collaborations avec des légendes de la guitare, notamment Joe Satriani, Steve Vai, Neal Schon, Steve Morse, Paul Gilbert et Joe Bonamassa.
En 2012, un documentaire intitulé Jason Becker : Not Dead Yet, a été réalisé sur son histoire.