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Tool
10,000 Days

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Tool est un groupe qui ne laisse pas indifférent. Culte pour certains, prétentieux pour d’autres, une chose est sûre, le talent des musiciens qui le composent n’est jamais remis en question. Ils passent toujours plusieurs années à peaufiner leurs albums, et chaque sortie est un événement. Celle de 10,000 Days n’a pas fait exception, car l’album est aussi bon sur la forme que sur le fond.

Tool est un groupe de Metal Progressif américain fondé en 1990 à Los Angeles. Il est aujourd’hui composé de Maynard James Keenan (chant), Adam Jones (guitare), Justin Chancellor (basse) et Danny Carey (batterie).

À ce jour, la discographie de Tool compte 2 EP (72826 en 1991 et Opiate en 1992) et 4 albums (Undertow en 1993, Ænima en 1996, Lateralus en 2001 et 10,000 Days en 2006).

Après 13 ans et 3 mois d’attente, le nouvel album du groupe est prévu pour le 30 août 2019.‍

Chaque album de Tool est une pépite. Mais celui-ci est un peu spécial pour moi, car j’ai grandi avec. 10,000 Days m’a été offert à sa sortie par l’un de mes cousins lorsque j’avais 10 ans. Au départ, j’écoutais l’album car j’aimais la musique, le son de la voix de Maynard, la puissance de Danny Carey derrière les fûts. Au fil des années, j’ai appris l’anglais et la théorie musicale. Ainsi, j’ai eu le plaisir de redécouvrir l’album sous un nouvel angle à chaque écoute. Mettez-vous à l’aise, parce qu’il y a beaucoup de choses à dire à propos de cet album.‍

Les éléments habituels d’un album de Tool se retrouve dans 10,000 Days :

– des compositions techniques et élaborées,
– une excellente performance,
– une musicalité exceptionnelle,
– une ambiance viscérale,
– des paroles profondes,
– et de la polyrythmie.

La polyrythmie consiste à superposer plusieurs rythmes d’accentuations différentes. Par exemple, jouer un rythme binaire au-dessus d’un rythme ternaire. Voici un support visuel qui vous aidera à comprendre le concept si vous n’êtes pas musicien :

Partie 1 en 4/4 (3 mesures) : o × × × o × × × o × × ×

Partie 2 en 3/4 (4 mesures) : o × × o × × o × × o × ×

Le groupe a une approche assez minimaliste, pas d’orchestrations et pas de synthétiseurs. Néanmoins quelques éléments atypiques viennent parfois remplir le spectre sonore, comme des tablas ou de la sitar. ‍

10,000 Days est le quatrième album de Tool. Entre Rock et Metal Progressif, tous les titres sont signés par Maynard James Keenan, Adam Jones, Danny Carey et Justin Chancellor. Il a été enregistré durant la fin de l’année 2005, dans différents studios à Los Angeles. La production a été réalisée par David Bottrill et le groupe lui-même. Le son de l’opus est très naturel et incroyablement équilibré.

L’album est sorti courant avril 2006 via les labels Volcano II & Tool Dissectional. Il succède à Lateralus publié cinq ans plus tôt. Aux États-Unis, 10,000 Days s’est directement hissé à la première place du Billboard 200. Il a ensuite atteint le sommet des classements dans de nombreux pays comme l’Australie, le Canada ou le Danemark. En France, il se classera à la 7ème place des Charts. En 1 an, l’album s’est vendu à environ 2,75 millions de copies à travers le monde. ‍

10,000 Days dure presque 76 minutes, et contient 11 pistes au total. La pochette de l’album représente une tête à trois visages. Elle a été créée par l’artiste américain Alex Grey. Une paire de lunettes 3D est jointe au CD afin d’observer les images du livret. Le tout a été conçu par Adam Jones, qui a reçu le Grammy Award du meilleur “Recording Packaging”, lors de la cérémonie des Grammy Awards 2006.‍

Le titre de l’album est un hommage à Judith Marie Garrison, la mère de Maynard James Keenan. Suite à un anévrisme intracrânien, elle a vécu 27 ans, soit environ 10 000 jours, paralysée avant de mourir en 2003.

L’album s’ouvre sur Vicarious, une chanson de 7 minutes qui frappe fort. La composition instrumentale est complexe et percutante. Au niveau des paroles, la chanson traite du plaisir viscéral qu’a l’Homme à observer le danger, au loin, depuis un milieu bien sécurisé. Vicarious expose la dualité de l’humain, qui désire le bien mais a aussi une satisfaction maligne à voir le monde périr autour de lui.

Ensuite, arrive Jambi. Une autre chanson de 7 minutes, qui s’ouvre cette fois-ci sur une puissante ligne de basse. Certains pensent qu’elle est dédiée au fils de Maynard. Mais la chanson peut aussi être abordée d’un angle plus philosophique. En effet, Jambi relate l’histoire d’un homme qui a tout ce qu’il désire du point de vue matériel. Mais, il est prêt à tout sacrifier pour préserver son équilibre, sa paix intérieure. En somme, les paroles peignent le combat interne de l’individu contre ses désirs néfastes. ‍

Wings For Marie, Pt. 1 est l’introduction de la chanson éponyme : 10,000 Days (Wings, Pt. 2). Comme mentionné plus haut, elle est dédiée à la mère de Maynard. Elle était chrétienne, et a mené sa vie selon les principes de sa foi. Elle mérite ses ailes afin de rejoindre le paradis. C’est également un moyen pour le chanteur de faire le point sur sa relation avec sa mère, et de la remercier pour tout ce qu’elle a fait pour lui. ‍

The Pot est certainement la chanson la plus entraînante de l’album. Le groove central est super efficace et la performance vocale rend le morceau très accessible. The Pot dénonce l’hypocrisie du système juridique. Elle mentionne la corruption présente dans le milieu, et met en lumière la façon injuste dont les personnes au pouvoir échappent aux conséquences de leurs crimes, alors que les petits délinquants sont envoyés en prison pendant des années. Maynard fait aussi remarquer que nous avons tendance à voir les défauts des autres, tout en occultant les nôtres. Nous jugeons constamment mais ne valons pas mieux. Juste après, arrive Lipan Conjuring, un interlude étrange à la saveur tribale. Heureusement, il ne dure qu’une minute. ‍

Lost Keys (Blame Hofmann) est la piste d’introduction de Rosetta Stoned. Ce dernier est un morceau à la fois groovy et planant. Il s’agit d’une satire des gourous modernes et de l’arrogance humaine. Les paroles décrivent la soirée d’un jeune après avoir consommé du DMT, une substance psychotrope puissante considérée comme la molécule de l’esprit. Après la prise de drogue, l’individu voit des créatures extra-terrestres qui viennent lui délivrer un message important. Il est l’élu, la personne à qui ces créatures sont venues révéler le “secret”. Une fois le message délivré, le jeune redescend de son “trip”, mais n’arrive pas à se souvenir de ce que les aliens lui ont dit. C’est un scénario fréquent lorsque quelqu’un consomme du DMT. L’individu a l’impression d’avoir découvert la clé du cosmos, mais ne s’en souvient pas. Si par miracle il a réussi à noter la révélation sur un papier, il se rend compte une fois à jeun que ce qu’il a écrit n’a aucun sens. Maynard se moque de l’être humain qui se croit spécial. Le gourou moderne ne pense pas que d’autres esprits bien plus brillants que le sien ont déjà pu utiliser cette substance, sans pour autant avoir accès à ce “secret”. Il s’agit d’une excellente satire de nos problèmes d’égo. L’ironie de la situation est soulignée par la phrase : “Me. The chosen one // They chose me // And I didn’t even graduate from fuckin’ high school“, qui signifie “Moi. L’élu // Ils m’ont choisi // Et j’ai même pas eu mon putain de bac“.‍

Intension est une chanson atmosphérique longue de 7 minutes. Le titre est probablement un mélange entre les mots “Intention” et “Tension”. Elle met en lumière la responsabilité de l’Homme dans ses prises de décisions. Le groupe utilise la métaphore d’une pierre qui peut être utilisée à différentes fins selon le désir de la personne. La dernière chanson est Right in Two. Une sublime composition qui mélange ambiance et intensité. Environnant les 9 minutes, elle décrit la bêtise humaine, ainsi que la création de la dualité. Effectivement, l’humain divise toujours les choses. Il coupe en deux, le bien et le mal, le juste et le faux, le blanc et le noir, le haut et le bas… La chanson est narrée du point de vue omniscient. Les anges se demandent pourquoi le créateur a doté l’Homme du libre arbitre, car, au final, il l’utilise pour faire le “mal”. Avec ses mains, il forge une épée pour tuer ses semblables et diviser le monde. De la singularité est née la dualité.

‘Monkey killing monkey killing monkey over pieces of the ground. // Silly monkeys. // Give them thumbs, they forge a blade, // And where there’s one they’re bound to divide it right in two.‍’

10,000 Days se termine sur un autre interlude étrange du nom de Viginti Tres, 5 minutes de bruits aléatoires. Néanmoins, il a peut-être une signification. C’est ce que nous allons voir par la suite. ‍

Si vous êtes un peu familier avec Tool, vous savez que de nombreuses théories se sont développées autour du groupe. Une des plus intéressantes au sujet de 10,000 Days est la théorie de la “chanson cachée”. 10,000 Days (Wings, Pt. 2) dure 11 minutes et 13 secondes. Viginti Tres, elle, dure 5 minutes 2 secondes, et Wings for Marie, Pt. 1 fait 6 minutes 11 secondes. Des fans se sont aperçus que l’on pouvait superposer 10,000 Days (Wings, Pt. 2) avec Viginti Tres suivie de Wings for Marie, Pt. 1 afin de créer un nouveau morceau. Ces trois titres se superposent parfaitement. Ceci pourrait expliquer la présence de Viginti Tres, qui n’est pas vraiment intéressante en soi. Son titre signifie “23” en latin, chiffre autour duquel de nombreux mythes religieux se sont développés. Néanmoins, ici, il est probablement préférable de la rapprocher du concept de synchronicité, qui est l’occurrence simultanée d’au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit.‍

10,000 Days fait partie de ces albums qui rendent l’exercice de choisir ses chansons préférées un casse-tête. C’est presque un sacrilège de faire un choix, car tout est tellement bon, hormis les interludes. Même si des théories intéressantes existent autour de ces derniers, ils ralentissent l’album et sonnent plus prétentieux qu’autre chose. En conclusion, Tool propose une expérience musicale excellente, couplée à une critique sociale profonde et une philosophie de vie fascinante. Le groupe aide à remettre en perspective l’importance de l’existence humaine. Nous sommes insignifiants à l’échelle cosmique, cependant, cela n’est pas à prendre d’une manière déprimante, mais plutôt libératrice.

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