Slift

Slift
Ummon

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Je dois confesser deux choses. Enfin plusieurs. Mais pour cette chronique, juste deux. La première, est que je ne connaissais pas Slift jusqu’à les avoir entendus sur Fip-Metal. Un petit coup de pub donc pour cette web radio publique qui sert de l’excellente musique depuis bientôt un an. Allez-y de ma part.

La seconde est que je ne suis pas très bon en Stoner. Je ne suis pas très bon en Stoner, mais il y a des trucs qu’on apprend quand même tous à l’école primaire. Quand Kyuss sortait en 1992 « Blues for the red sun », un des fondamentaux de ce courant, le groupe avait une idée : le désert, la solitude, le spleen, si possible saupoudré de substances peu recommandables. Et c’est bien cela le cœur du Stoner : la petitesse de l’être devant l’immensité.
Beaucoup d’autres ont exploré le désert californien. En attendant d’avoir des formations qui explorent aussi bien d’autres contrées comme la mer, le ciel, la toundra islandaise, ou la fosse des Mariannes, Slift, a trouvé son créneau qu’il exploite à merveille : l’espace.

Quand on parle d’espace, on n’évoque pas cette espèce d’aberration mathématique, l’infini qu’on pense concevoir mais qu’on ne fait que tenter d’imaginer de loin, aussi conscients de lui que des vaches qui regardent un TGV passer. Non, leur espace à eux, celui de Slift, est un ami, un copain, un lieu accessible à coup de navettes spatiales, de trous noirs et de failles spatio-temporelles dans lesquelles on entre et on sort comme dans chez Carrefour.

La pochette, dessinée par Philippe Casa (Metal Hurlant) fut une évidence pour le group quand il l’a vu. Si on s’arrête à la première vision, on pense imbécilement à un vieillard qui sort rapidement dans l’espace se soulager. Mais si on déplie la pochette, on perçoit la force de l’image. Le noir et blanc ne laisse pas de place à la fantaisie de couleur. De l’ombre et de la lumière, et rien d’autre. On y voit un personnage, tous muscles saillants, une sorte de surfeur d’argent qui aurait fait de la taule, marcher sur un astre flamboyant au prix d’un effort surhumain, et trainer derrière lui en loucedé, l’air de rien, une épée presque aussi grande que lui. Il regarde la chose en face et avance, pour se venger, fendre une étoile ou chercher des noises à dieu, que sais-je. Mais le visuel reste aussi prenant qu’il est d’une grande simplicité, et colle parfaitement au thème de l’album, comme déjà décrits par les membres dans d’anciens interviews.

Si le clip de « Hyperion », toujours en noir et blanc est minimaliste (on croit comprendre après qui le surfeur-taulard en a après avec son épée…), celui de « Thousand helmets of gold » est plus élaboré, et recrée un univers à mi-chemin entre Les chroniques de Riddick, Dune, et le cultissime clip de William Sheller, « Excalibur », univers taillé sur mesure pour la bande son.

Et il n’y a pas que la pochette qui soit simple. Trio guitare basse batterie. Des percussions aussi groovy, évoquant un Brant Bjork à ses meilleures heures, que minimaliste (pas plus de 6 éléments). Une guitare abrasive à la Acid King, le jeu de pédale et les effets foisonnants en plus, une basse précise et mise très en avant, un peu comme le faisait Pink Floyd. Des compositions à la thématique cosmique, inspirées et entêtantes. Un chant posé en anglais (la voix de Joe Strummer qui aurait avalé un hérisson, un accent un peu français (groupe Toulousain), mais tout sauf ridicule. Mention spéciale à « Layeuuuuns » sur la dernière piste, et suffisamment violent quand il le faut.

Le style ? Quelqu’un le décrivait comme, tenez-vous bien, du “Post-doom-sludge-psychedelic-prog-stoner-punk-kraut-garage band”. Il y a un peu de vrai dans chacun des items et au final, Slift a réussi dans cet opus un mélange incroyablement réussit et mature pour un second album.

Musicalement, deux grands courants traversent cet album. Le premier, puissant, punchy comme des moteurs de fusée, à l’image des cinq premières pistes : Rythmes entrainants, guitares faciles, parfois samples impériales (Thousand helmets of gold). Le second, plus réfléchit, se focalise sur la seconde partie. On a l’impression d’y retrouver des références tellement éclatées, tellement aux antipodes, entre du JM Jarre, Alt-J et King gizzard and the lizzard wizard (Altitude Lake), mais tellement cohérentes. Tout ceci saupoudrées çà et là d’effets de l’espace, parfois frisant un peu le kitch. On ne peut d’autre part s’empêcher de voir l’ombre omniprésente de Pink Floyd sur cette seconde partie (Dark was space, cold were stars, Son Dong’s cavern).

Si on devait retenir la quintessence de ce qu’est cet album, deux pistes, par lesquelles il faut commencer avant une exploration plus poussée de l’espace, s’imposent, tellement elles résument l’esprit de rupture, faisant sortir les chansons des stéréotypes habituels du Stoner. La première, « Citadel on a satellite », commence comme la première partie, dans la puissance du riff, mais rapidement, on se rend compte que la trajectoire imaginée n’est pas celle empruntée. Après un arpège métallique qui prend à contrepied dans une chevauchée débridée, vient la dernière partie où, là, s’installe quelque chose. On se retrouve soudain dans l’espace, le vrai, celui où il fait froid, où on a peur, à mesure qu’on avance dans le noir et le silence. La seconde, la dernière piste de plus de dix minutes, « Lions, tigers and bears », clos l’album en feu d’artifice. Après une intro où on croit percevoir un son de guitare à la Hendricks façon Woodstock, ou l’intro de Anesthésia de Metallica (selon votre génération), on repart au galop, de façon simple et plaisante, vers la lumière. Mais trois minutes plus tard, nous revoilà (encore) embarquées dans un autre vaisseau. Celui-ci vole avec un carburant basse-batterie et explore des contrées étranges où des claviers et des distorsions défilent sans donner d’indication sur où on va. Mais de tout ceci on s’en fout : Le voyage prévaut largement sur la destination.

Il est important de se rappeler parfois qu’on n’est pas grand-chose. Des pantins animés qui nous reproduisons tout en mangeant et en guerroyant sur un caillou perdu dans l’univers. Cet album qui finira aussi un jour en poussière, a le mérite, un court instant, de nous rappeler à notre petite condition.

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