Eva Under Fire : "Le Metal peut trouver sa place sur le devant de la scène musicale, et ce en partie grâce aux filles"

à 23 h 39 min
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Eva Under Fire
© Tetralens

À l’occasion du récent concert d’Eva Under Fire à Paris, en première partie de Skillet, la chanteuse Eva Marie a accordé une interview à Tetralens pour MetalZone.

Eva Under Fire est un groupe de rock américain originaire de Détroit, dans le Michigan. Il est composé de la chanteuse Eva Marie, des guitaristes Rob Lyberg et Chris Slapnik, du bassiste Ed Gawlik et du batteur Corey Newsom.

Le groupe a sorti son deuxième album, Love, Drugs & Misery, l’année dernière.

Texte et photos par Tetralens (tetralens.com)

Quelles ont été les réactions aux chansons de Love, Drugs & Misery en concert jusqu’à présent ?

C’est vraiment dingue. Lorsque nous sommes venus en Europe pour la première fois, on nous a prévenus que c’était parfois un peu différent ; si les gens ne connaissent pas votre musique, ne soyez pas surpris s’ils se contentent de croiser les bras et de hocher la tête, n’est-ce pas ? Mais cela ne s’est produit à aucune des dates de cette tournée.

Je pense que c’est probablement parce que nous sommes ici avec nos amis de Skillet et Like A Storm. Donc je me dis que beaucoup de fans nous adoptent à cause du line-up dans lequel nous sommes ; mais aussi à cause de la musique… Je suis très surprise que les gens chantent avec moi – pendant près de la moitié du spectacle. J’ai l’impression que beaucoup de spectateurs nous connaissent et qu’ils se montrent prêts à faire la fête avec nous, ce qui est vraiment agréable.

Alors, oui, les foules européennes sont vraiment très spéciales. Les gens se pointent tôt au concert et sont prêts à en découdre.

Eva Under Fire : "Le Metal peut trouver sa place sur le devant de la scène musicale, et ce en partie grâce aux filles"

Il semble que votre musique ait beaucoup à voir avec les réactions que vous suscitez. 

Merci. Oui, c’est vrai. La musique semble être très appréciée. Ça se passe super bien, à mon sens. Notre chanson Unstoppable a été mise en avant lors de cette tournée et nous sommes entrés dans le top 10 des radios Rock allemandes avec elle. Les gens ont l’air de bien aimer ça, c’est cool. Nous sommes très fiers.

Quelles sont les autres chansons qui, selon toi, suscitent l’intérêt des fans ?

Je pense que Comatose est l’une d’entre elles. [Quand nous la jouons], je vois des gens chanter [dans la foule], et je vois la plupart des gens hocher la tête, lever les bras en l’air et se réjouir. Je pense que c’est en partie parce que c’est la première chanson que nous jouons à chaque show. Il y a une ambiance vraiment cool quand les lumières s’éteignent et que la grande intro arrive. Je suis impressionnée par le nombre de personnes qui chantent avec nous, car je me dis qu’ils ont dû l’entendre avant, c’est évident.

Quelle est ta chanson préférée sur scène ? 

Honnêtement, c’est Comatose. Mais une autre chanson que j’aime vraiment jouer en concert est Unstoppable. Sur le plan vocal, c’est une chanson assez difficile pour moi. Il y a beaucoup de notes aiguës. Elle a beaucoup de ‘swag’ ; tu sais, le feeling est sympa, car c’est vraiment une chanson centrée sur la voix, alors que nos autres morceaux sont un peu plus centrés sur les riffs [de guitare].

C’est sur scène que nous nous sentons le plus à l’aise. Et je pense que beaucoup de fans européens gravitent autour de nous parce que nous nous amusons ; donc ils s’amusent. Notre show est très énergique. Unstoppable est vraiment amusante à chanter, et quand j’atteins la note la plus haute, tout le monde pète les plombs ; c’est toujours un moment très plaisant.

Je sais que vous venez de Détroit. Mais peux-tu nous raconter comment et quand le groupe s’est formé ?

Nous avons vraiment une histoire rock à l’ancienne. Beaucoup d’entre nous jouent depuis tout petits. Nous jouions dans les mêmes bars. Et en jouant dans ces mêmes bars à l’adolescence, nous nous sommes tous rencontrés à différents moments, jouant dans différents groupes, différents projets. Quelque temps plus tard, plus personne ne faisait grand-chose. Nous voulions tous en faire plus, ça nous manquait. On s’est dit : “On va se retrouver, on va faire un bœuf ; quand est-ce que vous êtes libres ?”. Et tout s’est immédiatement mis en place.

Nous sommes immédiatement retombés amoureux de la musique, et nous nous sommes dit : “D’accord, nous allons tenter notre chance une dernière fois et voir jusqu’où nous pouvons aller”. Et il se trouve que nous sommes allés jusqu’en Europe… Ouais, c’est assez génial.

Vous êtes un groupe de rock, mais il y a aussi une petite touche de Metal dans votre musique, et vous avez collaboré avec des groupes de Metalcore par le passé. Pensez-vous que votre musique va évoluer un peu dans ce sens, ou voulez-vous rester dans le cadre qui est le vôtre présentement ?

Pour cet album, je pense qu’il était important pour nous d’écrire autant de tubes commerciaux que possible. Je le dis sans détour. J’adore donner des concerts de rock et je veux jouer dans des stades, alors c’est ce que je dois écrire, n’est-ce pas ? C’était donc le but. Mais je pense que nous pourrions expérimenter davantage, ce serait amusant de voir à quel point ce groupe peut être polyvalent.

J’aimerais donc explorer une direction un peu plus heavy, peut-être sur le prochain album, et mieux maîtriser ma voix. J’ai eu des conversations intéressantes avec Melissa Cross [coach de chant extrême], elle est incroyable et m’a fait beaucoup de compliments quand je l’ai contactée.

Mon but est de mieux contrôler mon grain, de mieux contrôler mon timbre, peut-être d’élargir un peu ma palette pour faire des choses plus lourdes. Musicalement, tous les membres de mon groupe sont très inspirés par le Hard Rock et le metal. Rob a commencé à jouer de la guitare grâce à Metallica. Beaucoup d’entre eux écoutent Korn, Marilyn Manson et Deftones. Je pense donc que ce serait une bonne direction à explorer. Nous verrons bien ce qui en sortira.

Le dernier album a été écrit avant la pandémie. Il aurait dû sortir en mars 2020, mais nous savons tous ce qui s’est passé.

La pandémie a été un véritable calvaire, mais aussi une source d’inspiration.

Oui, je voulais férocement être heureuse malgré ce qui se passait ; parce que j’ai toujours besoin de me sentir bien dans ma vie, peu importe ce qui se passe dans le monde. Mais j’avais l’impression qu’il se passait tellement de choses à ce moment-là, et que ça venait de tous les côtés… C’est comme si nous étions en guerre pour notre propre paix, notre propre bonheur, notre propre indépendance, alors que le monde tombait en ruines. J’ai toujours voulu écrire des textes de ce point de vue.

Merci pour cette question, car j’ai maintenant un cadre pour la suite. Je vais probablement devoir prendre des notes à la suite de cet entretien, car c’est une bonne idée.

Eva Under Fire : "Le Metal peut trouver sa place sur le devant de la scène musicale, et ce en partie grâce aux filles"

Tu as une voix profonde et très puissante. Elle ressort très bien sur du hard rock. Penses-tu que c’était logique pour toi de faire du rock, ou tu t’es lancée dans cette voie à cause du groupe ?

Je pense que c’est la raison pour laquelle j’ai gravité vers la musique rock en premier lieu, parce que mon timbre de voix naturel est plutôt bas pour une femme. J’ai naturellement une tessiture d’alto. Même ma voix parlée est assez basse pour une femme. J’avais du mal à suivre les voix féminines que j’entendais à la radio quand j’étais petite et que je voulais chanter. Je cherchais les notes aiguës et tout le reste, mais ce n’est que bien plus tard que j’ai pu atteindre ces notes. Et il m’a fallu beaucoup de travail pour y parvenir. J’ai commencé à chanter sur Staind, Breaking Benjamin et Killswitch Engage. Ce sont là quelques-uns de mes premiers amours dans le domaine de la musique lourde.

Sur notre précédent album, j’étais beaucoup plus influencée par le monde de la pop. J’ai grandi en écoutant et en essayant d’imiter Alicia Keys et Christina Aguilera, et je suis actuellement une grande fan de Lady Gaga et de Pink. Pink est une musicienne hardcore dans une enveloppe pop. Elle est métalleuse dans l’âme. Cela a contribué au mélange que l’on entend sur l’album.

Au fait, je me demandais si c’était la première fois que vous veniez en France ?

Première fois en France. Première fois en Europe. Nous n’avons jamais été aussi loin de chez nous. Et pour être honnête, c’est merveilleux. L’expérience est géniale. Mais c’est aussi difficile parce que nous sommes dans un bus et que nous essayons de suivre le rythme – nous conduisons nous-mêmes – donc il y a beaucoup de contraintes logistiques.

Nous avons passé de nombreux moments merveilleux à explorer. Nous avons pu explorer la Belgique. Nous avons pu explorer Bruxelles. Nous avons pu explorer Paris. Et plusieurs autres escales. Oh, Prague. C’est une ville magnifique. Tout simplement incroyable.

J’aime voyager. Nous aimons tous voyager. Parce que nous avons l’occasion de voir tous ces lieux et de rencontrer toutes les personnes qui nous écoutent.

Nous aimerions revenir ici l’année prochaine pour la saison des festivals. Le Hellfest, le Download, le Bloodstock, l’Alcatraz, le Graspop, peu importe. Il y a tellement de choses à faire. Et l’une des nombreuses bénédictions de cette tournée, c’est que nous sommes accompagnés d’un groupe bien établi qui peut parler de nous en bien aux personnes qui sont chargées de réserver ces événements.

Eva Under Fire : "Le Metal peut trouver sa place sur le devant de la scène musicale, et ce en partie grâce aux filles"

Les gens t’ont-ils déjà comparé à Diamante ? Parce que pour nous, en Europe, vous êtes arrivées toutes les deux un peu en même temps.

Cette comparaison est nouvelle pour moi. Mais j’ai beaucoup d’amour et de respect pour elle. Quand elle est passée par le Michigan, nous avons fait sa première partie lors d’une de ses tournées en tête d’affiche, avant d’entamer le cycle de promotion de notre album.

Je pense qu’il est naturel que les gens fassent des comparaisons, surtout quand il s’agit d’une femme dans le domaine de la musique lourde. Il n’y a pas beaucoup d’exemples, n’est-ce pas ? J’espère que les gens me comparent à quelqu’un qu’ils apprécient ! C’est tout ce que je peux espérer.

Je trouve qu’elle a une bonne vibe. Elle est vraiment quelqu’un de cool à mes yeux. Elle a les pieds sur terre. Sa relation avec son label a été rompue. Je ne sais pas ce qui s’est passé en coulisses, mais elle semble se débrouiller assez bien toute seule. À part ça, elle s’est fait des amis très sympas. Je sais qu’elle est amie avec l’équipe de Halestorm et tout ce milieu. Je ne sais pas si elle est à L.A. ou ailleurs maintenant, mais elle a décroché des tournées vraiment chouettes. C’est cool de voir d’autres femmes dans la musique rock et de les voir monter en puissance.

Jusqu’à il y a cinq ou dix ans, il y avait surtout de grandes chanteuses dans le Metal Symphonique et épique. Mais aujourd’hui, des filles comme toi apparaissent dans tous les autres genres de metal, et elles ne se contentent pas de chanter, elles jouent aussi des instruments. Qu’en penses-tu ? 

Je pense que c’est très bien que tu en parles, parce que c’était très différent aux États-Unis. Nous avions Pat Benatar et Joan Jett, mais c’était la génération de mes parents, jusqu’à ce qu’Amy Lee d’Evanescence entre en scène. Les seules autres références que j’avais auparavant venaient d’ici, d’Europe. Comme Lacuna Coil, Nightwish, Within Temptation, Arch Enemy. Ces femmes étaient féroces. Ce n’était pas aussi grand public ou aussi populaire qu’aujourd’hui. Et je pense que maintenant que nous avons cette merveilleuse communauté mondiale du rock et du metal, en particulier pour les femmes, il y a de nouveaux groupes qui se manifestent avec des femmes métalleuses très féroces. Et j’adore ça.

On pourrait également citer Butcher Babies, Flyleaf, et maintenant il y a Spiritbox

Oui, j’aime toutes les femmes de cette merveilleuse communauté. Et j’aime le fait qu’elle grandisse et que nous voyions plus de visages, plus de voix féminines sur la scène du rock et du metal. Je pense que c’est vraiment cool. Et donc, quand les gens disent “Oh, je suis désolée de vous comparer”, ça ne me dérange pas ! Comparez-moi à Evanescence, c’est l’un des groupes qui m’a fait !

Au début des années 2000, lorsque je faisais partie d’un groupe local dans le sud-est du Michigan et que j’apprenais tout juste à chanter dans la musique rock à l’âge de, je ne sais pas, 15 ou 16 ans, je n’avais personne d’autre. Je ne voyais personne d’autre qui soit une femme dans le rock et le metal. Je regardais mes pairs. Aucun d’entre eux n’était une femme. Toute la scène rock et metal de ma petite communauté locale n’était composée que de mecs. Alors quand Amy Lee est arrivée, je me suis dit : “Je veux faire la même chose”.

Et puis avec le temps, j’ai commencé à voir beaucoup plus de femmes, même dans les scènes locales qui émergeaient, qui étaient effrontées et qui voulaient faire partie du groupe ; elles étaient instrumentistes, guitaristes, claviéristes, batteuses… chanteuses. À présent, je vois beaucoup plus de représentation dans tous les domaines.

Je pense qu’Evanescence, en plus d’être une chanteuse incroyable, avait ce truc. Aujourd’hui, certaines personnes disent qu’Evanescence n’est pas vraiment du metal parce que le groupe s’est ouvert au grand public. Mais si on regarde bien, elle a été l’une des premières à faire le lien entre la musique grand public et le metal. Elle était en avance sur beaucoup de choses. Cela m’amène à te poser la question suivante, car j’ai déjà vu ce genre de choses auparavant… Pourquoi le metal n’a t-il pas sa place dans le courant dominant pour certaines personnes ? 

Et Slipknot ? Ce n’est pas grand public, peut-être ? Le metal peut trouver sa place sur le devant de la scène musicale. Et cela en partie grâce aux filles. Je pense que les femmes ont le vent en poupe. Il y a une nouvelle vague qui le confirme. Je ne vois pas pourquoi le metal devrait rester confidentiel. Nous aimons la musique lourde, qu’elle soit populaire ou non, n’est-ce pas ? C’est juste une question d’émotion. Je ne vois pas pourquoi l’expression de ces émotions [plus profondes] ne pourrait pas atteindre le grand public ?

J’aime cette musique parce qu’elle me parle. Je pense donc que c’est une bonne chose qu’elle parle à plus de gens à présent. Peut-être que d’autres personnes ont un point de vue différent, du genre “le fait de devenir grand public altère l’émotion pour moi”. Mais je trouve ça un peu prétentieux – un peu comme si nous étions des snobs musicaux, tu vois ce que je veux dire ? Et c’est tout à fait acceptable si certaines personnes pensent de la sorte. Mais ce n’est pas mon cas. Comme je l’ai dit, j’écoute Lady Gaga et Pink. C’est encore plus grand public [que Slipknot]. Mais il y a quand même un esprit rock dans ce qu’elles font, on ne peut pas le nier.

Je pense qu’il y a une énergie qui est là. Et tant que cette énergie est là, le rock et le metal sont bien vivants. Le rock ne mourra jamais. Pour moi, il est donc plus amusant de prendre le train en marche et de s’encourager mutuellement, de s’élever les uns les autres. Faisons en sorte que plus de gens s’intéressent au rock et au metal.

Je pense que s’il y a quelque chose qui doit être réglé en ce moment dans notre société, c’est bien la crise de la santé mentale que nous traversons. Je pense donc que beaucoup plus de gens devraient être initiés à une musique qui leur parle émotionnellement. Le rock et le metal sont un moyen de catharsis. C’est une sorte de thérapie. Donnez-leur une chance.

Eva Under Fire : "Le Metal peut trouver sa place sur le devant de la scène musicale, et ce en partie grâce aux filles"

À propos de Tetralens

Cette interview a été réalisée par Tetralens, qui est également la propriétaire de toutes les photos que vous avez vues ci-dessus.

Tetralens est une photographe basée à Paris. Si vous souhaitez discuter avec elle de son travail et/ou collaborer avec elle, vous trouverez toutes ses informations ci-dessous !

TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.