En arrivant, le site n’a pas pris une ride. Le Greenfield Festival est toujours le même, installé entre l’Eiger et la Jungfrau, au cœur des montagnes suisses, à Interlaken, et l’édition de cette année s’annonce grandiose, avec une ribambelle de groupes de qualité et Slipknot en tête d’affiche ultime.
Cette année, le site est encore plus fréquenté que d’habitude. Les chiffres officiels ne sont pas encore connus, mais nous n’avons pas dû être loin de la barre des 30 000 personnes.
Les deux scènes ont les mêmes proportions et se trouvent au même endroit, et les food trucks sont en grande partie les mêmes ; le seul changement semble être l’emplacement du salon VIP et de la zone de presse, à droite de la scène principale.
Du point de vue de la programmation, la rotation est la même que d’habitude. Pendant qu’un groupe joue sur la scène secondaire, la scène principale se prépare, et ainsi de suite, plusieurs groupes se succédant et se chevauchant souvent de plusieurs chansons.
Le village et le camping sont pleins, et malgré les prix élevés (oui, l’inflation est toujours là), les gens sont souriants et prêts à passer trois jours loin de leurs préoccupations habituelles.
Voici un bref résumé des temps forts de cette édition 2023.
Sleep Token
Le groupe s’est produit le premier jour du festival vers les 19 heures, en plein jour, ce qui n’est pas forcément le cadre dans lequel le collectif imaginait jouer sa musique lorsqu’il l’a créée. Cependant, même avec des conditions imparfaites, les fans se pressent vers la scène secondaire, et le nombre de personnes ainsi que le niveau d’excitation sont au plus haut ; probablement du jamais vu pour un groupe aussi bas sur l’affiche.
Clôturant habituellement ses concerts avec The Offering, Vessel et son collectif d’anonymes ont cette fois-ci démarré avec le single principal du premier album Sundowning sorti en 2019. Malgré un petit problème de micro au départ, l’interprétation est forte et engloutit instantanément le public dans l’univers du groupe…
S’il y a une chose de sûre, c’est que c’est la dernière fois que l’on voit ce groupe aussi bas sur une affiche.
The Hu
Les rois du “hunnu rock” mettent tout de suite l’ambiance et livrent un set de bon goût composé de morceaux de toute leur discographie, pour un moment de vrai dépaysement.
Papa Roach
Malgré le décès du grand-père d’un des membres du groupe la veille, les membres de Papa Roach ne se laissent pas abattre et livrent un set plein d’énergie en l’honneur de l’homme qui vient de nous quitter.
Accompagné de circle pits et de pyros, le set, rempli de classiques du nu metal, comprend également une poignée de reprises. Porté par un Jacoby Shaddix très attachant et un batteur extrêmement compétent, Papa Roach fait clairement honneur à sa réputation de groupe de scène.
While She Sleeps
L’une des têtes d’affiche du festival, While She Sleeps, attire une foule considérable sur la scène secondaire le premier soir.
Le collectif britannique donne également un concert très énergique et décide de faire monter une fan sur scène pour une petite séance de traduction.
Couronnées par une marée de crowdsurfing sur Silence Speaks, les chansons sont généralement reprises en chœur par le public, très heureux de trouver le groupe loin de son parcours de tournée habituel.
À la fin de leur performance, les musiciens offrent leur version du “jump the fuck up” de Slipknot, avec un public totalement conquis, du premier au dernier rang.
Coheed And Cambria
Malgré un mix un peu brouillon, Coheed And Cambria s’empare de la scène le deuxième jour en début d’après-midi. L’absence totale d’éclairage rend le set plus fade que prévu, et le groupe est loin d’avoir la popularité qu’il a dans son pays d’origine, les États-Unis. Portée par la voix emblématique de Claudio Sanchez, la performance n’en reste pas moins très agréable. À revoir dans un meilleur contexte.
Hatebreed
La pluie s’invite juste au moment où Hatebreed monte sur scène, mais rien n’arrête les hardcore boys du Connecticut. Jamey Jasta et sa horde de barbares sont comme chez eux, déchaînant leur metalcore emblématique sur la foule sous une pluie battante qui pousse des milliers de personnes à se mettre à l’abri sous la section couverte au centre du festival.
Arch Enemy
Il pleut toujours, mais Arch Enemy met le feu ! Alissa White-Gluz arbore sa nouvelle combinaison et ça en jette. Le décor de la scène est élaboré, agrémenté de pyros et d’autres effets qui renforcent le death metal mélodique furieux du groupe.
Jeff Loomis semble bien s’amuser avec son collègue guitariste Michael Amott, et la performance est intense du début à la fin. Chanson après chanson, le groupe apporte le sentiment qu’il sera l’un des géants de demain.
Lorna Shore
La pluie ne s’arrête pas, mais Lorna Shore est prêt pour la bataille. Probablement l’un des sets les plus intenses du festival, le deathcore du groupe est délivré avec une énergie et une précision bluffantes, et on peut vous assurer que le batteur du groupe joue bien en live (ce n’est clairement pas le groupe dont parlait Craig Reynolds de Stray From The Path) et que les capacités d’Austin Archey sont à la limite de l’humain.
Les solos de guitare d’Adam De Micco sont tout aussi impressionnants, et la voix de Will Ramos et les différents cris qu’il est capable de pousser ne sont pas à dédaigner. Ce n’est pas pour rien qu’il est l’un des chanteurs les plus encensés du metal moderne.
Parkway Drive
Parkway Drive fait un grand – très grand – show, avec un décor grandiose, des pyros de folie et, surtout, une ambiance presque inégalée.
Les musiciens, toujours vêtus de blanc, ont un mix de malade avec un son de batterie absolument colossal et des sonorités de guitare si grasses qu’on a presque peur de se boucher une artère pendant le set.
Si le groupe continue son ascension fulgurante, il est clair qu’il sera la tête d’affiche de nombreux festivals d’ici peu.
The Amity Affliction
La présence de The Amity Affliction à l’affiche était inattendue, mais une très agréable surprise. Les fans chantent les paroles du groupe à tue-tête, et la connexion entre les musiciens et la foule est palpable.
Le bassiste/chanteur et le guitariste accompagnent le frontman en criant certaines lignes, et leur performance vocale est tout aussi solide que celle de leurs instruments respectifs.
It’s Hell Down Here, tiré du dernier album du groupe, se démarque vraiment, avec un breakdown mortel à la fin.
Le groupe australien termine avec Soak Me In Bleach, une performance poignante accompagnée par les voix de milliers de fans tapis dans l’ombre.
Sabaton
Sabaton, l’une des têtes d’affiche de la grande scène, met le moteur en marche et arrive dans ses habituels chars d’assaut et tenues militaires pour un set tout en heavy metal. Joakim Brodén et Hannes Van Dahl sont très bavards et établissent immédiatement un sentiment d’intimité avec le public très réceptif.
Le groupe n’a plus rien à prouver, mais il se donne quand même à fond, pour une performance mémorable à la hauteur des attentes des fans, anciens et nouveaux.
Moment Of Madness
L’une des particularités du Greenfield est qu’il promeut la scène locale suisse et germano-suisse au milieu de très grands artistes internationaux. Cela conduit parfois à des surprises agréables, parfois à des catastrophes. Sans vouloir s’attarder sur les aspects négatifs, Moment Of Madness est l’un de ces petits groupes suisses qui surprend (dans le bon sens du terme).
Quatre jeunes au son metalcore bien structuré et prometteur montent sur scène, et on sent que le groupe s’amuse beaucoup. Le frontman se donne à fond et parvient à conquérir le public, ce qui n’est pas rien pour quelqu’un d’aussi inexpérimenté. Quelques leads de guitare sortent du lot, et les sourires sur les visages des membres du groupe sont super communicatifs.
À garder sous surveillance.
Halestorm
Halestorm monte sur scène avec fracas et déchaîne les passions avec Lzzy Hale à la barre. La voix de Hale est sans doute l’une des plus époustouflantes de sa génération, avec une intensité et une endurance dignes des plus grands (sans exagération).
Le pont allongé de Familiar Taste Of Poison donne la chair de poule, et quelques minutes plus tard, le petit frère de Hale à la batterie donne un solo mémorable avec la participation du public et une paire de baguettes géantes du plus bel effet.
Destroy Boys
C’est le moment des LGBTQ+ et d’une dose d’Amérique progressiste. Destroy Boys s’installe sur la scène secondaire, distillant une sorte de punk rock sans réelle identité, mais qui réussit tout de même à faire bouger un peu de monde.
Le groupe fera la première partie de Blink-182 lors de concerts à venir aux États-Unis.
Wolfmother
Groupe de hard rock australien plutôt sous-estimé, Wolfmother se produit l’après-midi sur la scène principale et c’est franchement très agréable.
Le trio est à l’aise, tellement à l’aise qu’on pourrait croire qu’ils répètent dans leur salon. Les performances sont très brutes et minimalistes, dégageant un charisme de la vieille école et un sentiment d’aisance naturelle.
Le groupe n’a pas besoin d’en faire des tonnes, et ça en jette. Ils sont l’exemple même de la “force tranquille”.
Lionheart
Les préparatifs battent leur plein, avec quelques barricades supplémentaires installées autour de la scène secondaire et une paire de secouristes munis d’une civière prête à l’emploi (pour de vrai). Le groupe de beatdown hardcore américain originaire d’Oakland, en Californie, monte sur scène et martèle nos oreilles sans relâche pendant environ une heure. L’attitude des musiciens sur scène est à l’image de leur son : redoutable.
Amon Amarth
Amon Amarth monte sur scène avec son drakkar, son casque de viking et ses statues, au beau milieu d’immenses flammes, et la dévastation est instantanée.
L’ensemble de death metal mélodique scandinave est extrêmement – extrêmement – puissant, et l’atmosphère est au rendez-vous.
Tout comme Parkway Drive, le mixage et la mise en scène sont incroyables, et il n’y a rien à dire qui ne soit pas élogieux.
Avatar
Avatar est en tête d’affiche de la scène secondaire et éblouit tout le monde avec un show théâtral plein d’adrénaline, à la frontière d’une performance de cirque.
Ces dernières années, le groupe n’a cessé de monter en puissance, et il est facile de comprendre pourquoi. Johannes Eckerström et ses collègues suédois ont le don de faire bouger les foules.
Slipknot
Des milliers de personnes sont entassées juste devant la scène et attendent en regardant le logo de Slipknot suspendu dans le vide. Et puis ça commence… Prelude 3.0 est joué, et les métalleux masqués sortent de l’ombre et se lancent dans le punitif The Blister Exists, faisant monter le taux d’adrénaline dans le rouge et les mosh pits à l’extrême.
De l’éternellement génial Eyeless au criminellement peu joué Purity, en passant par une interprétation vivifiante de Snuff et le classique Wait And Bleed, c’est une véritable marée noire de tubes qui se succèdent pendant 90 minutes. Slipknot n’est pas venu pour plaisanter, et rappelle à tout le monde à quel point ils sont redoutables avec un final triomphal composé de Surfacing, Duality et Spit It Out pour le plus grand “jump the fuck up” de l’histoire du Greenfield.