Les règles de travail ce soir-là à l’Accor Arena ne nous ont pas permis d’assister à la performance de Jagwar Twin, groupe officiant en ouverture du groupe star. Cependant, étant donné l’ambiance dans la foule à mon arrivée dans le pit photo, j’en déduis que Brandon Roy Wronski, alias Roy English, et son projet solo débuté en 2015 de rock alternatif, particulièrement arrangé et agrémenté de passages empreints d’univers divers, ont séduit Paris.
Texte et photos par Tetralens (tetralens.com)
Lorsque les lumières baissent et que les écrans géants latéraux diffusent des images des frères Leto en approche dans les couloirs de Bercy, le public vibre d’une excitation palpable et de hourras impatients, qui tournent à l’ovation lorsque, sur le titre Avalanche, les protagonistes apparaissent soudain dans la foule, puis parcourent la fosse (bien entourés bien sûr), pour venir rejoindre la scène.
Puis, le show à proprement parler est lancé sur Up in the Air (2013), une sorte d’hymne douce-amère sur l’amour, avec une orchestration plus pop que rock, le tout offert dans un écrin scénique de lueur bleutée et de cotillons, comme pour célébrer la fête des retrouvailles entre le groupe et son public.
La performance se poursuit sur Kings and Queens, titre issu de l’album This is War (2009) où le rock est encore assez présent, avec des superpositions et des sonorités aériennes donnant le sentiment de respirer à pleins poumons, comme la bande son d’une forme de libération… exprimée, entre autres, par les tourbillons de Jared sur lui-même dans son trench en cuir et ses lunettes panoramiques, cheveux de jais, gants rouges…
Avec des fonds mélodiques de blues rock du sud des États-Unis, Walk on Water contient encore ces chorus volumisés ici par des nappes de superpositions de voix. Un titre énergique, mais où les paroles ne s’illustrent pas par une richesse particulière. Heureusement, ce n’est pas un cas fréquent chez nos amis Leto. Sous des étincelles, et un très beau backdrop toujours caractérisé par le triangle, des nuées roses et pêche se mêlant à des mauves et bleus, nous permettent d’apprécier un spectacle pensé dans les moindres détails, avec un Shannon Leto assez joueur dans ses interactions avec le public, et un guitariste et clavier très discret mais brillant ; Stevie Aiello. À la fin du morceau, notre frontman si charismatique esquisse un triangle en signe de ralliement, que des milliers de mains forment à leur tour au-dessus des têtes dans la foule.
Un signe qui donne le sentiment que même dans un décor et un show minuté, un lien assez naturel se forme entre les artistes et leur public. C’est d’ailleurs le sentiment général tout au long du concert ; comme quand Jared proposera à une partie du public d’envahir des sièges plus proches de la scène (pendant la phase acoustique).
Rescue Me, comme le titre précédent, figure sur l’album America de 2018, ayant donc logiquement cette fibre très pop, à l’image de l’évolution générale du son de Thirty Seconds to Mars sur les derniers albums. Rescue Me semble plus homogène, marqué par une mélodie entraînante, agrémentée de passages presque R’n’B bien assemblés. Ce titre est l’occasion pour Jared d’inviter sur scène un certain nombre de danseurs et quelques-unes des personnes ayant figuré dans le clip. Une très belle mise en scène mêlant la diffusion d’images du clip, des lumières rouges en triangle, et un semblant de flou spontané.
Je décroche un peu sur le titre suivant, Seasons, qui m’évoque plus un titre de Selena Gomez ou Taylor Swift, qui pourrait figurer dans une série d’été américaine, tant dans la rythmique que dans la mélodie un peu molle, qu’un titre issu de l’esprit des frères Leto. Seasons est un des titres du dernier album, It’s the End of the World but It’s a Beautiful Day, sorti en 2023, dont le caractère pop est assumé ; et pourquoi pas. Comme beaucoup d’artistes qui se renouvellent, se réinventent au fil des albums, Thirty Seconds to Mars explore ici la poursuite de son évolution, s’écartant du rock, ou naviguant à feeling. Ceci créant quelques clivages au sein des « échelons », la dénomination des fans du groupe, certains préférant l’écriture rock des premiers albums jusqu’à This is War, d’autres adhérant davantage aux sonorités plus mainstream des derniers albums, à partir de Love Lust Faith and Dreams (2013). Quoi qu’il en soit, on ne peut que saluer le sens aigu de la scène de Jared, comme un poisson dans l’eau, et une signature qui, malgré des variantes d’expression plus ou moins musclées ou arrangées, reste tout de même Thirty Seconds to Mars.
Preuve en est sur Hail to the Victor (America), où la voix de Jared résonne comme dans les hymnes des débuts, mais sur une mélodie dubstep surprenante mais intéressante. La suite me happe totalement, comme beaucoup dans le public, c’est le grand moment du morceau probablement le plus apprécié du groupe, le bijou poignant Hurricane, issu de This is War (2009). Aussi puissant dans les paroles que dans la mélodie et l’orchestration, ici très bien rendu en live, dans un écrin visuel incandescent et des mots forts du titre sur l’écran géant, et un frontman totalement immergé dans ce titre qui prend aux tripes. Un moment étourdissant qui à lui seul aurait mérité d’être présent à ce concert.
Pour se remettre de ces émotions, This is War, qui prouve que le rock est toujours dans les veines de notre duo fraternel américain. Suivi d’une partie acoustique mêlant un bout de ce qui me semble être Attack, From Yesterday et Alibi. Ce dernier, ballade dans l’ADN, étant tout à fait calibré pour une version acoustique, occasion d’un moment où la salle se couvre de milliers de petites lumières. C’est lors de cette phase plus intimiste, y compris au niveau des lumières de scène réduites au maximum, que Jared revêt un t-shirt de l’équipe de France de football, sûrement sa façon de montrer sa gratitude à son pays d’accueil de ce soir, comme nos musiciens le font sur presque chaque date de cette tournée. Un petit clin d’œil local.
Également lors de cette parenthèse acoustique, et voyant certains sièges VIP vides, M. Leto invite une partie de la foule assise plus haut à investir ces places au plus près de la scène ; avec un petit air mi-gêné, mi-défi, qui lui va à ravir.
La fin de la performance reprend un rythme plus soutenu à nouveau avec l’enchaînement de Night of the Hunter (2009) et City of Angels (2013), ce dernier nettement inspiré de sonorités de U2. Un mix assez réussi. A Beautiful Lie, de l’album éponyme de 2005, est un petit shot d’énergie rock, qui fait du bien à ce stade du concert, où Shannon s’en donne à cœur joie à la batterie. Après une très brève sortie de scène, c’est le retour, notamment pour Jared revêtu d’une combinaison rouge rehaussée d’or, comme celle d’un chanteur de country ou d’un Elvis illuminant Vegas.
Sur Stuck, un titre de 2023, certes très pop dance, comme de ceux que l’on imagine parfaitement en boîte de nuit, mais qui a des qualités rythmiques indéniables, la scène est à nouveau investie par des danseurs et certains des protagonistes figurants au clip, qui défile à l’écran arrière. The Kill, petit concentré de puissance rock de 2005, berce la foule consciente de l’approche de la fin de la soirée, et en effet, Closer to the Edge et ses premières sonorités d’orgue, et ses chorus déployés prennent le volume de l’Accor Arena comme pour illustrer un au revoir mais pas un adieu.
Bien que peu séduite par les titres du dernier album, à l’empreinte un peu trop pop, je salue la performance de Thirty Seconds to Mars ici à Paris, avec une setlist très éclectique, comme un voyage à travers les différents albums et quel plaisir d’entendre tant de titres de A Beautiful Lie et de This is War, sans se sentir pour autant retomber dans le bayou de mon passé… (seuls les « échelons » comprendront la référence). Une exécution parfaite, dans une mise en scène grandiose, mais avec de nombreux moments de lien fort avec le public, presque intimistes dans l’intention. De petits détails qui rendent notre superstar et son frère vraiment humains et appréciables. Et des inventeurs d’univers musicaux variés et sans cesse en renouvellement. Une soirée superbe ; qu’on aimerait signer d’un triangle comme signe de ralliement.
Setlist :
- Avalanche (entrée par la foule)
- Up in the Air
- Kings and Queens
- Walk on Water
- Rescue Me (danseurs sur scène)
- Seasons
- Hail to the Victor
- Hurricane
- This Is War
- Partie acoustique : Attack / Alibi / From Yesterday
- Night of the Hunter
- City of Angels
- A Beautiful Lie
- Attack
Encore :
- Stuck
- The Kill (Bury Me)
- Closer to the Edge
À propos de Tetralens
Cet article a été rédigé par Tetralens, qui est également la propriétaire de toutes les photos que vous avez vues ci-dessus.
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TETRAlens rassemble toutes les expressions de mon travail photographique, récent ou datant de plusieurs années. J’y présente principalement un extrait de mes captures de concerts live, essentiellement issus de la scène Metal et Rock, ainsi qu’un petit aperçu de mes autres sujets photographiques, tels que les paysages, les détails et l’architecture. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu capturer à travers mon objectif ce que mes yeux voulaient immortaliser : le tranchant d’une lumière, la force d’un instant, la douceur d’un regard, l’énergie d’un moment, ces choses qui rendent le monde plus beau. Depuis mon plus jeune âge, cette passion m’a suivi dans mon quotidien ou dans mes voyages, mes yeux regardant constamment la nature, les villes et les gens comme une source d’inspiration pour nourrir mon expression artistique. Le canal le plus emblématique étant la musique live, les événements à travers lesquels l’humain est un vecteur des vibrations les plus positives.