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Tool : Un guide de non-respect des règles et des codes afin de s’imposer en tant que Légende !

Tool est un groupe de Metal Progressif, qui a été formé en 1990 à Los Angeles par le batteur Danny Carey, le guitariste Adam Jones, le chanteur Maynard James Keenan et le bassiste Paul D’Amour. Le groupe est généralement décrit comme un groupe qui transcende les styles et intègre du Rock Progressif, du Rock Psychédélique, du Heavy Metal, du Metal Alternatif, du Post-Punk, du Grindcore, du Death Metal, du Thrash Metal ainsi que du Metal Progressif et bien plus encore. Il est référencé comme acteur de l’Art Rock, en raison de l’incorporation des arts visuels et des albums longs et complexes dont seul Tool a le secret. Tool s’est imposé comme une référence et un mythe, fort d’une créativité et d’une complexité musicales saupoudrées d’un sens de l’humour corrosif et d’une esthétique mystique. Il faut prendre son temps et transcender les codes de la musique Rock contemporaine pour appréhender toute la puissance et toute la beauté de cet outil !

La genèse d’un mythe & les premières censures

Maynard James Keenan et Adam Jones se sont rencontrés à la fin des années 1980. Après que Maynard James ait fait écouter à Adam un enregistrement de son précédent projet musical, Jones a été tellement impressionné par sa technique vocale qu’il a fini par le convaincre de former leur propre groupe. Ils ont commencé à chercher un batteur et un bassiste. Danny Carey a été présenté à Adam Jones par un certain Tom Morello, qui faisait partie de Electric Sheep et qui a fondé par la suite le mythique Rage Against The Machine !
Electric Sheep est un groupe de Garage Rock qui s’est formé au début des années 1980 mais qui n’a pas connu le succès, c’était plutôt une ébauche ! Les jeunes musiciens inexpérimentés ont tout de même réussi à atteindre une renommée planétaire bien des années plus tard : Adam Jones était alors le bassiste de Electric Sheep et Tom Morello, le guitariste.

Danny Carey a accepté de jouer avec Maynard James et Adam parce qu’il “se sentait un peu désolé pour eux”, les autres musiciens invités ne venaient pas aux répétitions…
Quelque temps plus tard et après une nouvelle intervention d’un ami en commun, Paul D’Amour a rejoint ses camarades à la basse pour compléter le groupe et poser les fondations de la machine qui allait acquérir une notoriété et un respect unanime au sein de la communauté Metal par la suite : Tool !

Peu de temps après sa formation, le groupe a inventé l’histoire selon laquelle il s’est formé en ayant comme ligne directrice la pseudo-philosophie, la lacrymologie. La lacrymoglie est probablement née de la volonté du groupe de critiquer les mouvements religieux et sectaires comme la scientologie, critiques qui ont eu une place prépondérante dans les paroles de Tool.

Adam Jones qui aurait été à l’origine de cette “philosophie”, a expliqué sa vision :

Le seul moyen pour un être humain de progresser et de se développer passe par l’exploration et la compréhension de sa douleur physique et de son chagrin.

Plus tard, Maynard James Keenan a expliqué leurs intentions différemment :

Tool (Outil) est exactement ce qu’il prétend être : C’est une grosse bite. C’est une clé à molette. … nous sommes … votre outil ; utilisez-nous comme un catalyseur dans votre processus de découverte de ce que vous avez besoin de découvrir, ou de ce que vous essayez d’accomplir.

Tool
© Tool Dissectional Volcano Entertainment

Grâce à sa persévérance et quelques années intensives de concerts et de répétitions, Tool a commencé à se faire connaître dans les alentours de Los Angeles et le groupe a finalement été approché par Zoo Entertainement en vue de signer un contrat et enregistrer leurs titres. En mars 1992, Zoo Entertainement a publié le premier EP de Tool, Opiate, qui nous a gratifié entre autres des titres Hush et Opiate. Dès ses premiers pas, le groupe a mis en avant sa vision de la société américaine de son époque et de l’industrie musicale en particulier.
Le premier clip vidéo du groupe, Hush, a envoyé un message clair au Parents Music Resource Center et à sa politique alors agressive en faveur d’une censure et d’un contrôle de l’industrie musicale américaine. Les membres du groupe sont apparus nus dans Hush avec leurs parties génitales qui étaient recouvertes du fameux autocollant “Parental Advisory : Explicit Content” et leurs bouches quant à elles, de ruban adhésif.

Tool a connu immédiatement une certaine notoriété, le groupe s’est fait connaître à travers tout le territoire américain grâce à des tournées en compagnie de Rollins Band, Fishbone, et Rage Against the Machine.

Il a connu ses premiers succès mais aussi ses premiers déboires avec la censure et le début d’une relation particulière et ambivalente avec l’industrie musicale.

Alors que le Grunge et le Neo Metal étaient en plein essor et déferlaient sur les ondes radio, Tool a sorti son premier album, Undertow, en 1993. Cet opus a incorporé tous les éléments de l’ADN Tool, avec des visuels saisissants et obsédants au service de la philosophie nihiliste du groupe et d’une critique de la religion organisée et de son incapacité à avoir une pensée originale. Musicalement, Undertow a été influencé par Black Sabbath entre autres, à l’appui d’une technique et d’une complexité musicales brillantes et d’une agressivité enragée, Undertow a non seulement ouvert la voie à un style de Metal complexe et engagé mais a également prouvé que le Metal pouvait être à la fois intelligent, émotionnel et brutal.

Sober et Prison Sex ont été les deux singles extraits de Undertow et ont garanti une notoriété explosive. Le groupe Tool est diffusé sur toutes les ondes de radio Rock et sur MTV ! Sober est devenu un tube et a même été consacré pour son clip vidéo par le Billboard dans la catégorie, meilleur clip vidéo d’un nouvel artiste ! Quant à Prison Sex, ce titre qui traite des abus sexuels commis sur les enfants ; ses paroles et son clip vidéo ont été les cibles de la censure car ils avaient été jugés trop explicites et obscènes.

Malgré les tumultes, Tool a continué sa course mais a dû quelques années plus tard, en 1995, se séparer de son bassiste, Paul D’Amour. D’une manière étonnante, il n’était pas question de dramaturgie, Paul D’Amour a quitté Tool, en bonne entente et a simplement souhaité poursuivre d’autres projets. Il a été remplacé par Justin Chancellor, qui faisait alors partie du groupe, Peach. Peach a collaboré avec Tool lors de tournées au début des années 1990, et c’est durant ces dernières que l’alchimie entre Justin et ses futurs camarades s’est faite. Cela a été l’unique changement de musiciens que le groupe a connu durant l’intégralité de sa carrière, jusqu’à nos jours [2021].

Justin Chancellor est venu grossir les rangs de Tool, durant l’enregistrement de son deuxième album, Ænima, qui est sorti en 1996. L’album est dédié au comédien Bill Hicks, décédé deux ans et demi plus tôt. Le groupe avait l’intention de faire connaître les oeuvres de Bill car le groupe considérait que Bill Hicks a eu une démarche artistique et philosophique similaire à la sienne. L’opus est truffé de références et d’hommages à Bill Hicks.

Tool s’est immergé davantage dans un style Rock Progressif et, comme cela deviendra la marque de fabrique du groupe par la suite, le groupe a livré une oeuvre complète et cohérente sur tous les points de vue (musique, paroles, pochette, identité visuelle). Le premier single, Stinkfist, a immédiatement été la cible de sévères censures, tant du titre lui-même que des paroles, dont certaines ont été modifiées afin d’éviter les scandales… Quelque temps après la sortie de Ænima, Tool s’est lancé dans une tournée planétaire à travers les États-Unis et l’Europe et qui s’est conclu en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Tool a obtenu alors la considération du public, des critiques et d’une partie des professionnels de l’industrie musicale, bien que ses ventes et sa diffusion aient été limitées, car le groupe a fourni une nouvelle fois un album sans concession. Cependant, Ænima a démarré immédiatement en deuxième position du Billboard et le single éponyme a remporté le prix de la meilleure performance Metal aux Grammy Awards en 1998.

Le groupe a été, durant cette période, empêtré dans une bataille juridique de longue haleine avec son manager et son label qui a duré près de cinq ans. De plus de vives rumeurs sur la fin de Tool sont nées alors que le chanteur, Maynard James Keenan, a créé en parallèle le mythique groupe, A Perfect Circle, en 1999, en collaboration avec le talentueux, Billy Howerdel.

Les longues pauses & la suprématie d’un art : Tool

Que nenni, quelques années plus tard, en 2001, Tool a produit son troisième album, Lateralus. King Crimson, Pink Floyd ou encore Rush ont influencé cet opus, qui était une nouvelle oeuvre complexe et profonde. La durée de l’album qui a culminé à un peu moins de 79 minutes aurait été limitée par le label… Tool a offert une oeuvre qui n’était pas adaptée aux recommandations de l’industrie musicale mais cela n’a pas empêché Lateralus de devenir un véritable succès commercial. L’album a démarré à la première position du Billboard 200 dès sa sortie avec plus de 500 000 exemplaires vendus durant la première semaine d’exploitation. Il a été certifié triple platine aux États-Unis et or au Royaume-Uni par la suite.

Tool
© Alex Grey

Le single Schism a été récompensé par un Grammy Award dans la catégorie meilleure performance Metal. Lors de la cérémonie, le batteur Danny Carey a remercié ses parents et Satan ; quant au bassiste Justin Chancellor, il a remercié son père d’avoir copulé avec sa mère… Voilà un exemple de l’esprit de Tool, une combinaison de second degré et d’insolence !

Fort de sa notoriété en constante progression, Tool a effectué une tournée d’anthologie en accompagnant King Crimson. Maynard James Keenan a déclaré à ce sujet :

Pour moi, être sur scène avec King Crimson, c’est comme si Lenny Kravitz jouait avec Led Zeppelin ou que Britney Spears était sur scène avec Debbie Gibson.

Maynard James Keenan a une nouvelle fois mis temporairement de côté Tool afin de se consacrer à A Perfect Circle. Tool a connu une nouvelle pause forcée et les désormais habituelles rumeurs sur la fin définitive de la formation ont resurgi. Les spéculations sur l’évolution du style de Tool et sur son prochain opus, ont été plus surréalistes les unes que les autres, Tool était victime de son faible rythme de production d’albums et de ses multiples temps morts scéniques.

Une nouvelle fois, Tool a prouvé à ses détracteurs qu’ils avaient tort et a sorti son quatrième album, 10,000 Days en 2006. Tool ne s’est pas soumis à l’injonction connue de tous les groupes de Rock, celle de sortir un nouvel album au bout de 18 mois. Tool a imposé son rythme et a su conserver le respect et l’admiration des fans et des critiques, grâce à ses productions léchées et profilées à la perfection pour toucher sa cible en plein coeur : première place du Billboard 200.

Les titres eux non plus n’ont pas respecté les codes imposés par les ondes radio et ont été livrés avec des durées relativement longues et ont abordé des sujets tels que la téléréalité, le fait de vivre par procuration, des sujets plus personnels comme le décès de la mère du chanteur. Musicalement, la rage qui a servi de carburant à certaines de leurs plus grandes œuvres, a été remplacée par des moments plus calmes et plus introspectifs. Le groupe a patiemment élaboré des passages rythmiques et mélodiques au service de la passion et de l’émotion intense, de l’honnêteté brutale et de la maturité musicale.

10,000 Days a atteint la première place des charts d’albums dans dix pays différents et a cumulé les certifications platine et or, cependant l’opus a également reçu des critiques qui stipulaient que l’évolution artistique de Tool n’était pas satisfaisante.

Tool a enchaîné les tournées sur tout le globe durant un certain temps mais la poursuite de projets parallèles par certains membres du groupe ainsi qu’une énième bataille juridique avec son assureur ont donné lieu à une pause exceptionnelle qui dura treize ans malgré quelques représentations scéniques sporadiques.

Alors que ni les Mayas ni Nostradamus ne l’avaient prédit, Tool a sorti son cinquième album, Fear Inoculum, en 2019. Un véritable voyage symphonique dans les méandres de l’esprit humain. Un parfait équilibre entre les premiers succès du groupe et une approche plus mature et encore plus raffinée après des décennies d’expérimentations. Le quatuor a excellé dans son art, tant au niveau individuel que collectif.

Maynard James Keenan a décrit l’opus :

J’ai l’impression que l’album traite de la sagesse à travers l’âge et l’expérience. Heureusement, en vieillissant, vous devenez plus sage grâce à certaines des choses que vous avez vécues. Vous apprenez de vos erreurs et de vos réussites. Donc, s’il y a quelque chose qui caractérise cet album, c’est bien ce phénomène de faire le point sur sa vie et de s’accepter ici et maintenant.

Fear Inoculum a été acclamé par les critiques et les fans malgré la très longue attente et a réussi à atteindre le top 3 des charts albums dans une quinzaine de pays malgré l’habitude et la signature du groupe, à ne pas respecter les dictats de l’industrie musicale. Effectivement, Fear Inoculum a révélé uniquement sept titres pour une durée avoisinant les 80 minutes et le single 7emest a été récompensé d’un Grammy Award dans la catégorie Meilleure performance Metal !

Le dernier opus en date a été une véritable leçon dans l’univers des albums-concepts.

Quid du sixième album ? Armez-vous de patience et prenez le temps de découvrir toute la complexité et l’intensité de la discographie de Tool… Lorsque vous aurez compris en partie cette œuvre majeure, alors Tool sortira sa prochaine production !

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